Des orignaux au cœur d’un conflit entre chasseurs et Anichinabés

Des Anichinabés ont dressé des barrages en divers endroits dans la réserve faunique La Vérendrye pour empêcher les non-Autochtones d’y chasser l’orignal.
Photo: Tina Notty (Facebook) Des Anichinabés ont dressé des barrages en divers endroits dans la réserve faunique La Vérendrye pour empêcher les non-Autochtones d’y chasser l’orignal.

Après les barrages, le contre-barrage. Vendredi, des chasseurs ont bloqué la route 117, en Outaouais, en réponse aux postes de contrôle tenus par des Anichinabés qui limitent l’accès à la réserve faunique La Vérendrye depuis près de deux semaines. La tension entre les deux groupes grimpe au moment où la chasse à l’orignal s’ouvre dans des secteurs avoisinants.

Le barrage, à environ 65 km au nord-ouest de Mont-Laurier, a perturbé la circulation pendant deux heures, selon la Sûreté du Québec. La manifestation, à laquelle une poignée de chasseurs en colère a participé, s’est dénouée sans incident, rapporte la police.

Ces dernières semaines, sous l’impulsion de la communauté anichinabée du lac Barrière, des Autochtones réclament un moratoire de cinq ans sur la chasse sportive à l’orignal dans la réserve faunique La Vérendrye. Ils s’inquiètent de la taille décroissante du cheptel. En date de vendredi, ils tenaient sept barrages sur des chemins forestiers perpendiculaires à la route 117.

« Le climat n’est vraiment pas bon. Et la cohabitation par la suite, ça va être difficile », juge Miguel Hatin, le directeur général de la zone d’exploitation contrôlée (ZEC) Petawaga. Ce territoire à l’est de la réserve faunique de La Vérendrye s’apprête à accueillir 500 amateurs pour la chasse à l’orignal. En raison de la montée des tensions, une partie d’entre eux commencent à réclamer des remboursements.

En fin de semaine, des centaines de chasseurs doivent normalement converger vers le secteur puisque la chasse à l’orignal, avec arme à feu, s’ouvre dans certaines ZEC, pourvoiries et territoires libres. Pour accéder à ces zones, les chasseurs doivent souvent d’abord traverser la réserve de La Vérendrye.

Selon M. Hatin, les activistes aux points de contrôle demandent aux personnes désirant passer de montrer qu’ils n’amènent pas d’armes. Il rapporte des actes d’intimidation envers les chasseurs. Par ailleurs, il explique que la police ne fait rien pour rouvrir les routes. « Ils ont eu les directives de ne pas agir, sauf en cas d’extrême nécessité », dit-il, en se basant sur des conversations avec des agents de la SQ.

Du côté du corps policier, le porte-parole Marc Tessier refuse de se prononcer sur la légalité des barrages. « On est là pour s’assurer que tout se déroule bien, explique-t-il. Aux points de contrôle, il y a des gens qui sont en mesure de circuler — des travailleurs, des gens qui ont des chalets —, donc c’est pas complètement fermé non plus. »

Casey Ratt, le chef de la communauté du lac Barrière, n’a pas donné suite aux demandes d’entrevue du Devoir, vendredi. Ces derniers jours, les communautés de Kitcisakik et de Kitigan Zibi se sont jointes au mouvement contre la chasse sportive à l’orignal.

En réaction aux craintes évoquées par les Anichinabés dès 2019, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) du Québec a procédé l’hiver dernier à un inventaire aérien de l’orignal dans la réserve faunique La Vérendrye. Il a constaté la présence de 2,06 bêtes pour 10 kilomètres carrés — un recul de 35 % par rapport à l’inventaire réalisé en 2008. Bien que le MFFP ne juge pas ces résultats « critiques », il a réduit de 30 % l’offre de permis de chasse sportive dans la réserve faunique pour cet automne.

Mardi dernier, le titulaire du MFFP, Pierre Dufour, a réitéré le fait que « la suspension de la chasse dans la réserve faunique La Vérendrye n’est aucunement envisagée ». « Je sollicite de nouveau la collaboration de tous et j’invite les parties prenantes à s’entendre le plus rapidement possible sans prendre en otage les amateurs de chasse », a-t-il indiqué.

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