Des gardiens du territoire au Nunavik

Au Nunavik, le projet des gardiens autochtones a commencé en février. Aujourd’hui formé de 10 membres, leur groupe en comptera 14 dans les prochains mois: un gardien pour chacune des communautés inuites.
Photo: Gouvernement régional de Kativik Au Nunavik, le projet des gardiens autochtones a commencé en février. Aujourd’hui formé de 10 membres, leur groupe en comptera 14 dans les prochains mois: un gardien pour chacune des communautés inuites.

Dans le nord du Québec, des « gardiens autochtones » issus des communautés inuites aident à mieux comprendre les effets des changements climatiques sur leurs territoires.

Au Nunavik, une région très touchée par la hausse des températures mondiales, Michael Cameron et son équipe de gardiens inuits récoltent des données dans des endroits inaccessibles aux chercheurs. Cette année, leur but est de surveiller les conditions de la glace marine.

 

« Nous n’avons jamais eu d’individus chargés de la surveillance de la glace de mer ou de l’eau douce, explique Michael Cameron, coordonnateur des gardiens au Nunavik. Avec toutes ces données que nous collectons, nous pouvons voir si la glace se forme tôt ou tard, et si les changements climatiques ont un effet sur la formation de la glace marine. »

Au printemps dernier, M. Cameron et son équipe ont reçu du matériel pour forer la banquise, mesurer son épaisseur et rattacher ces informations à des coordonnées GPS. Ces données sont ensuite transmises à leurs partenaires, dont ceux responsables de l’application mobile Siku, qui permet aux Autochtones d’observer et de partager des données sur les conditions de la glace, les conditions maritimes ou de s’échanger des histoires de chasse.

Un programme plus vaste

 

Ce projet s’inscrit dans le programme pilote des gardiens autochtones lancé en 2017 par le gouvernement fédéral à la grandeur du Canada. Le programme permet chaque année à des communautés sélectionnées de recevoir du financement qu’elles peuvent gérer ensuite comme elles l’entendent. Plus de 60 projets ont été financés jusqu’à présent.

« Les projets sont censés permettre aux Premières Nations de surveiller la santé écologique et les sites culturels de leurs communautés, ainsi que de protéger les zones et les espèces vulnérables, explique Moira Kelly, l’attachée de presse du ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Jonathan Wilkinson. Ce que fera le programme est très spécifique à chaque communauté. »

Être gardien, c’est quoi ?

« Un gardien du territoire, c’est une personne qui représente sa nation, dit Valérie Courtois, directrice de l’Initiative de leadership autochtone, un réseau voué à la prise en charge par les Autochtones de leurs propres territoires et qui travaille avec les gardiens partout au Canada. Leur emploi se rattache à ce que la nation veut et fait. »

Le travail d’un gardien peut se révéler extrêmement varié, poursuit-elle. Il peut, par exemple, l’amener à faire de l’inventaire forestier, à négocier avec les ingénieurs d’une mine ou à surveiller les populations de caribous. « Dans le fond, tout ce qui arrive à une nation qui a rapport à l’environnement, au territoire, devrait être surveillé par les gardiens. »

Au Nunavik, le projet des gardiens autochtones a commencé en février. Aujourd’hui formé de 10 membres, leur groupe en comptera 14 dans les prochains mois : un gardien pour chacune des communautés inuites. Tous issus d’un autre projet local, appelé les Uumajuit Wardens et qui se limitait à la surveillance faunique, ils voient désormais leur mandat élargi à l’ensemble de la surveillance environnementale. Ils ont droit à une formation continue où ils apprennent à récolter des données, à prendre des photos et à dresser des rapports. On les voit aussi accompagner des agents de la faune dans leurs patrouilles en hélicoptère et des agents des pêches dans leurs tournées en bateau.

Les gardiens autochtones apportent « un changement de mentalité » à la recherche scientifique dans la région, constate Michel Allard, professeur au Département de géographie de l’Université de Laval et collaborateur avec les communautés inuites du Nunavik depuis plusieurs années. « Ce sont [les Inuits] dorénavant qui vont poser les questions, et ce sont eux qui vont définir les priorités [de la recherche], parce que les questions qu’ils vont poser sont en fonction de leurs activités sur le territoire. […] Je vois ça comme le début d’un changement culturel très important. »

Pour les experts du Sud, les gardiens autochtones ont sans doute aussi un avantage bien pratique, remarque Michael Cameron. Comme leurs ressources financières limitées les empêchent parfois de monter au Nord, « ils comptent sur les photos que nous prenons et nos inspections visuelles ».

Le projet revêt aussi une grande importance pour les communautés concernées, poursuit le coordonnateur de l’équipe des gardiens. « Plus nous pouvons en apprendre, que ce soit sur la glace de mer, la surveillance de l’eau douce, ou l’habitat faunique, mieux c’est pour le bien-être de nos générations futures. »

Avec Charlotte Glorieux

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