Résidus d'amiante: le BAPE se prononce

Les travailleurs du secteur de la construction du bâtiment sont désormais les plus atteints par les maladies liées à l’exposition à l’amiante.
Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) recommande entre autres d’abaisser dans les plus brefs délais la limite d’exposition des travailleurs au Québec et de créer une entité administrative québécoise pour la gestion et l’élimination sécuritaires de l’amiante. Ce sont seulement quelques-unes des recommandations énoncées dans son rapport rendu public vendredi sur l’état des lieux et la gestion de l’amiante et des résidus miniers amiantés.
Concernant la valorisation des résidus miniers amiantés (RMA) par l’extraction des métaux et des matières comme le fait par exemple Alliance Magnésium à Asbestos, la commission estime qu’elle « souscrit à plusieurs principes de développement durable et constitue une application tangible des fondements de l’économie circulaire qui incitent à repenser les modèles de production et de consommation ».
Le rapport précise toutefois que cette valorisation doit répondre à deux critères incontournables.
« Il faut principalement s’assurer que les travaux d’excavation et de manutention des haldes n’entraînent aucun risque supplémentaire pour les travailleurs et la population. Il est également impératif que le procédé d’extraction utilisé entraîne la destruction totale des fibres d’amiante, et ce, sans nuire à la qualité de l’air. »
Il serait également opportun selon le rapport de créer une entité administrative québécoise pour la gestion et l’élimination sécuritaires de l’amiante.
« Une telle entité devrait notamment harmoniser l’ensemble des actions en promouvant une approche intégrée de la restauration et de la valorisation de RMA. »
Manque de données
La commission a eu de la difficulté à se pencher sur la concentration d’amiante dans l’air puisque « pour le moment, les données disponibles ne sont que parcellaires et aucun suivi systématique n’a été réalisé ».
Selon le rapport du BAPE, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques n’a pas non plus documenté l’effet des haldes de RMA sur les différentes composantes biologiques des écosystèmes aquatiques et n’a pas réalisé de suivis périodiques.
CNESST
Le rapport du BAPE y va aussi de plusieurs recommandations envers la CNESST puisque les travailleurs du secteur de la construction du bâtiment sont désormais les plus atteints par les maladies liées à l’exposition à l’amiante.
« Il serait indiqué que la CNESST renforce les mesures de protection et de prévention pour ces travailleurs et qu’elle mette en place un registre des travailleurs exposés à l’amiante qui permette une évaluation juste des dossiers », peut-on lire dans le rapport de 341 pages.
Le BAPE demande également une révision du processus d’indemnisation des travailleurs ou de leur succession.
« Il serait nécessaire que certaines modifications soient apportées à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour alléger ce processus et pour permettre au travailleur touché de préparer une défense adéquate de son dossier. »
La commission souligne qu’une révision du Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère et du Règlement sur la santé et la sécurité du travail par le MELCC et la CNESST respectivement devrait être faite. Ces deux règlements ne reconnaissant pas le potentiel toxique des fibres courtes d’amiante.
De plus, la commission note que le Québec possède des valeurs limites d’exposition des travailleurs à l’amiante « très élevées comparativement à celles du Canada, des États-Unis et de plusieurs pays européens ».
Le rapport mentionne que la valeur limite d’exposition des travailleurs devrait être abaissée à 0,1 f / cm3 dans les plus brefs délais pour s’arrimer à la norme fédérale.
Approche « illusoire » à Thetford Mines
La commission note que « les sols de la région de Thetford Mines sont plus susceptibles de contenir de l’amiante en raison de la géologie de cette région, d’une utilisation fréquente et sur une longue période des RMA pour les travaux de génie civil, ainsi qu’en raison de la présence de sources de contamination toujours actives telles que l’érosion éolienne à partir des haldes ».
Elle considère donc comme « illusoire » l’approche adoptée par le MELCC pour la gestion des remblais qui consiste à décontaminer petit à petit toute la région en exigeant que les sols contenant de l’amiante soient remplacés par des sols propres.
« Pour la commission d’enquête, un sol dont la concentration en amiante est inférieure ou égale à une concentration locale, qui demeure à être établie, pourrait être admis comme remblai. »
Le BAPE recommande finalement que les sols contenant de l’amiante fassent l’objet d’un avis inscrit au registre foncier et soient inventoriés au registre des sols contaminés.
De l’amiante encore un peu partout
Outre les haldes, le BAPE indique que l’amiante est présent dans de très nombreux bâtiments et infrastructures résidentiels, commerciaux, industriels et institutionnels à travers le Québec, y compris les milieux scolaire et hospitalier. De plus, la portion du réseau routier qui se trouve sous la responsabilité du MTQ compte encore près de 1000 km de voies recouvertes d’enrobés bitumineux amiantés. On en trouve aussi dans les enrobés bitumineux sous la responsabilité de certaines municipalités.