Les incendies en Australie menacent une biodiversité unique au monde

En plus des pertes de vies humaines et des maisons détruites, les feux qui ravagent des régions entières de l’Australie ont déjà tué des centaines de millions d’animaux sur cette île continent. Cette hécatombe pour la biodiversité est d’autant plus inquiétante que le pays compte énormément d’espèces endémiques, dont plusieurs étaient déjà menacées de disparition.
Les feux qui frappent plusieurs régions de l’immense territoire australien depuis septembre auraient tué plus de 500 millions d’animaux, selon un premier bilan « conservateur » publié le 3 janvier par des chercheurs de l’Université de Sydney, qui ont alors pris soin de souligner que le décompte final serait sans aucun doute « considérablement plus élevé ».
Au moment où les incendies continuent leur progression, après avoir déjà consumé plus de 80 000 km2 (185 fois la superficie de Montréal), une nouvelle évaluation réalisée par des scientifiques de l’Université de Sydney et le Fonds mondial pour la nature (WWF) avançait d’ailleurs mardi le chiffre d’un milliard d’animaux.
Ces animaux ont été tués par les feux, mais aussi en raison de la destruction de leurs sources de nourriture ou de leur habitat.
« Ces pertes qui fendent le coeur comprennent des milliers de précieux koalas, mais aussi d’autres espèces iconiques comme les kangourous, les wallabys, les opossums volants et les cacatoès. Et comme beaucoup de forêts mettront des décennies à se remettre, certaines espèces se retrouveront au bord de l’extinction. Mais avant que les feux ne se calment, l’étendue réelle des dommages restera inconnue », a fait valoir le directeur de WWF Australie, Dermot O’Gorman, par voie de communiqué.

Parmi les animaux victimes de ces feux vraisemblablement amplifiés par les effets des bouleversements climatiques, on compterait pour le moment environ 8000 koalas, selon les données disponibles mardi.
Cette espèce endémique et emblématique, qui est inscrite sur la « liste rouge » des espèces menacées de l’Union internationale de conservation de la nature, devrait donc poursuivre son déclin déjà bien entamé.
Dans certaines régions, le petit marsupial risque d’ailleurs d’être complètement éradiqué. Un cas qui illustre la situation que pourraient vivre d’autres espèces déjà menacées. Concrètement, analyse le Centre national de la recherche scientifique de France, le fait de perdre brusquement toute une partie de leur population et de leur habitat accroît le risque de les faire basculer inexorablement vers l’extinction.
Faune unique
Le koala n’est par ailleurs qu’une des très nombreuses espèces qu’on ne retrouve qu’en Australie. En fait, c’est le cas de plus de 80 % des mammifères du pays, mais aussi de 90 % des reptiles et des amphibiens, ainsi que 45 % des oiseaux.
Les feux risquent donc d’entraîner des pertes majeures pour la biodiversité mondiale, selon Marco Festa-Bianchet, professeur titulaire à la faculté des sciences de l’Université de Sherbrooke.
Le chercheur, qui étudie les kangourous gris en Australie depuis 12 ans, juge d’ailleurs que les répercussions sur les espèces australiennes se feront ressentir très longtemps après la fin des incendies.
« Il ne faut pas seulement calculer le nombre d’animaux morts, mais aussi les habitats qui ont été détruits. Pour les animaux herbivores, ça veut dire qu’ils n’auront rien à manger. Mais aussi, les prédateurs introduits comme le chat et le renard vont détruire les abris des animaux, donc les survivants aux feux seront davantage victimes de la prédation. Et les effets négatifs seront très importants au cours des prochaines années. »
Des dizaines d’incendies échappant toujours à tout contrôle, Marco Festa-Bianchet redoute les prochaines semaines. « Nous sommes au début de l’été, donc au début de la saison des feux. C’est un peu comme si nous étions au début du mois de juillet. Ça pourrait donc continuer au moins pendant deux autres mois. On peut toujours espérer de la pluie, mais pour le moment, les prévisions météorologiques sont assez terrifiantes. »
Mardi, les autorités australiennes redoublaient d’ailleurs d’efforts pour tenter de reprendre le contrôle de la situation, profitant d’une météo ponctuellement moins défavorable avant une nouvelle vague de chaleur dans les prochains jours. Un grand nombre de feux sont trop importants pour être éteints par les pompiers. Et seules de très importantes précipitations permettront d’en venir à bout.
Depuis le mois de septembre, au moins 24 personnes ont péri en raison de cette crise, tandis que plus de 1800 maisons ont été réduites en cendres.
Autre signe de l’ampleur du désastre en cours, les services météorologiques chilien et argentin ont annoncé lundi que les fumées des incendies australiens avaient été repérées dans le ciel de ces deux pays, distants de plus de 12 000 km de l’Australie.