La Cour suprême des Pays-Bas ordonne à l’État de réduire les émissions de GES du pays

L'action en justice avait été lancée en 2015 par 900 citoyens et l'organisation écologiste Urgenda. 
Photo: Sem Van Der Wal Agence France-Presse L'action en justice avait été lancée en 2015 par 900 citoyens et l'organisation écologiste Urgenda. 

Dans une décision sans précédent qui pourrait avoir des impacts dans plusieurs pays, notamment au Canada, la Cour suprême des Pays-Bas a ordonné vendredi au gouvernement de réduire substantiellement les émissions de gaz à effet de serre du pays, au nom de son obligation de protéger les citoyens contre les impacts des bouleversements climatiques.

« La Cour a décidé à juste titre que l’État néerlandais a une obligation définitive, en vertu de la Convention européenne des droits de l’Homme, d’atteindre un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 25 % d’ici la fin de 2020 par rapport aux niveaux de 1990 », ont souligné les juges du plus haut tribunal du pays, dans une décision citée par l’Agence France-Presse.

« Le consensus des scientifiques sur le climat, et au sein de la communauté internationale, selon lequel les pays développés devront réduire leurs émissions de 25 % à 40 % d’ici 2020 est d’une importance particulière », ont-ils également fait valoir dans leur décision, qui fait suite à deux décisions antérieures en faveur des 900 citoyens qui ont lancé cette action en justice en 2015, avec l’organisation écologiste Urgenda. Les deux décisions précédentes avaient été contestées par le gouvernement.

L’an dernier, la Cour d’appel avait déjà fait valoir que « des mesures plus ambitieuses sont nécessaires à court terme pour réduire les émissions polluantes et protéger la vie des citoyens des Pays-Bas », et ce, en raison des « grands dangers qui risquent de se produire » dans un contexte de bouleversements du climat.

Selon les documents déposés par les plaignants qui avaient lancé cette action en justice, un réchauffement global de plus de 2 °C (d’ici 2100) est donc une « violation des droits de la personne ». Or, selon les plus récentes données scientifiques disponibles, la planète se dirige présentement vers un réchauffement de 4 °C à 5 °C d’ici 2100, à moins que tous les États respectent les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris. Dans ce cas, le réchauffement avoisinera les 3 °C.

Actions judiciaires au Canada

 

Poussés par l’urgence climatique déjà bien décrite par la science, plusieurs organisations et regroupements de citoyens ont donc lancé des actions en justice pour forcer les gouvernements à faire preuve d’ambition en matière de lutte contre la crise climatique.

Au Canada, Environnement jeunesse souhaite lancer une telle action contre le gouvernement fédéral, au nom des jeunes Québécois « de 35 ans et moins », afin de démontrer que le gouvernement a violé les droits fondamentaux des jeunes générations en adoptant un plan de lutte contre les changements climatiques insuffisant et dont les objectifs ne seront même pas atteints.

Leur requête, rejetée plus tôt cette année, a été portée en appel, a fait valoir vendredi la directrice générale de l’organisme, Catherine Gauthier. Elle estime d’ailleurs que la décision rendue aux Pays-Bas démontre la pertinence de ce type d’action en justice, surtout dans un contexte où l’action gouvernementale, notamment au Canada, est « nettement insuffisante » pour éviter le naufrage du climat mondial.

Pour Sébastien Jodoin, professeur adjoint à la Faculté de droit de l’Université McGill, le jugement aux Pays-Bas démontre aussi que les États ne peuvent faire fi des répercussions des bouleversements du climat sur les citoyens. « C’est un jugement très important, qui démontre que les changements climatiques ont des impacts sur les droits fondamentaux des citoyens. Et puisque les gouvernements ont l’obligation de protéger les droits de leurs citoyens, ils doivent réduire les émissions de gaz à effet de serre selon les exigences de la science. »

Selon lui, cette décision de la Cour devrait avoir des effets jusqu’au Canada. « C’est un jugement qui sera très probablement évoqué dans les causes ici, notamment pour établir l’obligation du gouvernement à réduire les émissions de gaz à effet de serre pour respecter les droits des citoyens. »

Le Québec pourrait d’ailleurs un jour être le théâtre d’une telle action en justice, estime M. Jodoin. « Ce serait possible de préparer un dossier pour lancer une action similaire contre le gouvernement du Québec, puisque nous avons l’expertise scientifique pour connaître les impacts de l’inaction et que le gouvernement reconnaît l’urgence climatique, mais qu’il ne fait pas le nécessaire. Et s’il approuve le projet gazier Énergie Saguenay, de GNL Québec, il s’exposera à une telle poursuite. »

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