Colère, espoir et plaidoyers pour l’action climatique à la COP25

Une installation immersive permet d’expérimenter la réalité quotidienne de la pollution de l’air à la conférence de l’ONU sur le climat, qui se déroule à Madrid.
Photo: Gabriel Bouys Agence France-Presse Une installation immersive permet d’expérimenter la réalité quotidienne de la pollution de l’air à la conférence de l’ONU sur le climat, qui se déroule à Madrid.

Vite et fort. Les exhortations à agir pour sauver l’humanité qui subit les assauts du dérèglement climatique se sont multipliées lundi à Madrid à l’ouverture de la COP25, qui risque toutefois de décevoir les attentes.

Rapports alarmants des scientifiques, désobéissance civile de citoyens, défilés de jeunes par millions… Depuis un an, les pays signataires de l’Accord de Paris sont la cible d’une pression sans précédent, que résume le mot d’ordre de ces deux semaines de réunion : #TimeforAction.

Le message a été martelé sur tous les tons dès l’ouverture de cette 25e conférence de l’ONU sur le climat qui durera deux semaines.

Le monde se trouve à un « tournant » et doit choisir entre l’« espoir » d’un monde meilleur en agissant maintenant de façon radicale, ou la « capitulation », a déclaré le secrétaire général de l’ONU, António Guterres.

« Voulons-nous vraiment rester dans l’histoire comme la génération qui a fait l’autruche, qui flânait pendant que le monde brûlait ? » a-t-il lancé, accusateur, devant les représentants des quelque 200 pays signataires de l’accord de Paris, dont une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement.

« Point de non-retour »

Dimanche déjà, dénonçant les engagements « totalement insuffisants » des États, il avait mis en garde contre « le point de non-retour » qui approche rapidement, appelant à mettre un terme à « notre guerre contre la planète ».

Quelques jours plus tôt, le Programme de l’ONU pour l’environnement (PNUE) portait un coup aux espoirs d’atteindre l’objectif idéal de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement à +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Il faudrait pour cela réduire les émissions de CO2 de 7,6 % par an, chaque année dès l’an prochain et jusqu’à 2030. Alors que, pour l’instant, elles ne cessent d’augmenter.

Le monde a déjà gagné environ 1 °C, entraînant une multiplication des catastrophes climatiques. Et chaque degré supplémentaire augmentera exponentiellement l’ampleur des dérèglements.

Or, au rythme actuel, la température pourrait grimper jusqu’à 4 ou 5 °C d’ici à la fin du siècle. Et même si les États respectent leurs engagements actuels, la hausse du mercure pourrait dépasser 3 °C.

Voulons-nous vraiment rester dans l’Histoire comme la génération qui a fait l’autruche, qui flânait pendant que le monde brûlait?

« Ce qui manque toujours, c’est la volonté politique », a déploré António Guterres, insistant sur la nécessité d’arrêter les subventions aux énergies fossiles et les constructions de centrales à charbon, ou encore de donner un prix au carbone. Ce dernier sujet est d’ailleurs un des points difficiles de négociations de cette COP, qui doit mettre en place des règles de nouveaux marchés carbone internationaux.

Espoirs européens

 

Dans ce contexte, l’Union européenne (UE), présente en force, était très attendue. « À un moment marqué par le silence de certains, l’Europe a beaucoup à dire dans ce combat », a commenté le premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, qui accueillait la réunion au pied levé après la défection du Chili.

« Parce que nos sociétés le réclament […], mais aussi pour des raisons de justice historique : l’Europe a mené la révolution industrielle et le capitalisme fossile, elle doit mener la décarbonation », a souligné M. Sánchez.

Les défenseurs de la planète espèrent que, lors du sommet européen des 12 et 13 décembre, les membres de l’UE s’entendront sur l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050.

Mais même dans ce cas, il faudra encore attendre 2020 pour que l’UE présente une révision de ses ambitions à plus court terme.

Cette COP était d’ailleurs vouée à décevoir ceux qui appellent à une action immédiate, tous les États étant focalisés sur celle de fin 2020 à Glasgow (Royaume-Uni) où ils doivent présenter une révision de leurs engagements, comme cela est prévu par l’Accord de Paris. Aujourd’hui, seuls 68 pays se sont engagés à revoir à la hausse leurs engagements de réduction d’émissions de CO2 en 2020, avant la COP26 à Glasgow. Mais ils ne représentent que 8 % des émissions mondiales, selon les experts.


Les demandes des groupes environnementalistes canadiens

Dans le cadre de la COP25, deux dossiers préoccupent les groupes environnementalistes au Canada. Ils s’attendent à ce que les pays établissent des cibles de réduction du GES plus ambitieuses. Ils espèrent également qu’une entente sera conclue sur l’article 6 de l’Accord de Paris, qui porte sur les modalités d’échange de crédits de carbone entre les différents pays.

« La première chose à faire, pour les pays, est de s’engager à augmenter leurs cibles de réduction de gaz à effet de serre, qui actuellement, sont largement insatisfaisantes et insuffisantes et qui ne respectent pas les exigences de la science », résume Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada.

Chez Équiterre, les attentes sont également élevées envers le Québec et le Canada, qu’on souhaiterait voir aller au-delà des cibles de réduction actuelles. « Étant donné que le Canada est un pays riche et qu’il a une responsabilité historique pour les émissions de GES, on s’attend à ce que sa contribution aille au-delà de ça », estime Caroline Brouillette, experte en changements climatiques pour l’organisme environnemental québécois. « Il n’y a vraiment aucune raison pour que les États-Unis, le Canada, et la Chine ne prennent pas leurs responsabilités. Ils ont la capacité de le faire », ajoute-t-elle.

« C’est une COP très importante. C’est là qu’on commence finalement à afficher les vrais niveaux d’ambition de chaque pays pour chaque contribution nationale », renchérit Diego Creimer, aux affaires publiques de la Fondation David Suzuki. Selon lui, régler la question de l’article 6 de l’Accord de Paris permettra « d’avoir confiance envers le système pour que tout le monde embarque ».


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