La Fondation David Suzuki réclame des interdits sévères sur les pesticides

La Fondation David Suzuki veut que l’usage des pesticides soit banni ou fortement restreint au Québec, tant dans les domaines agricole que domestique, en raison des doutes accrus liant ces produits neurotoxiques à des maladies comme l’autisme et, surtout, la maladie de Parkinson.
L’organisme environnemental fera cette recommandation le 23 septembre à la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN), lors des consultations sur l’impact des pesticides, lancées dans la foulée du congédiement controversé de l’agronome Louis Robert l’hiver dernier. Ce fonctionnaire du ministère de l’Agriculture avait été remercié pour avoir alerté les médias de l’existence de conflits d’intérêts entre la recherche sur les pesticides et certains lobbys favorables aux pesticides.
À ces auditions, la Fondation fondera son attaque sur les risques engendrés par ces produits toxiques sur le développement de deux maladies en pleine augmentation au Québec : la maladie de Parkinson et l’autisme.
Selon la fondation, les preuves s’additionnent pour conclure à une relation de causalité claire entre certains pesticides et la maladie de Parkinson. Pour ce qui est de l’autisme, des études menées sur des modèles animaux supportent la thèse d’un risque accru d’autisme chez les enfants exposés aux pesticides durant la petite enfance ou nés de mères exposées pendant certaines périodes clés de la grossesse.
« On n’en est pas au lien de causalité avec l’autisme, mais doit-on attendre une épidémie accrue pour appliquer le principe de précaution ? », a fait valoir Louise Hénault-Éthier, cheffe des projets scientifiques à la fondation.
Pour ce qui est de la maladie de Parkinson, les études avancées par la Fondation évaluent que le risque de développer cette maladie chez les fermiers et travailleurs exposés plus de dix jours par an avec des pesticides est plus que doublé (2,5), et de 1,7 fois plus pour toute personne en contact 30 jours par an aux pesticides domestiques, notamment aux herbicides de jardin accessibles en vente libre.
« ll y a énormément de défaillances dans la régulation des pesticides. On en retrouve partout aux caisses des supermarchés. Il y a même des incitatifs à la vente », dénonce Mme Hénault-Éthier, déplorant l’absence de réglementation sérieuse pour ces produits neurotoxiques.
La prolifération des punaises de lits et d’autres insectes nuisibles dans les maisons expose tout particulièrement les personnes vulnérables aux substances délétères contenues dans ses poisons, déplore-t-elle.
Pour cette raison, l’organisme pressera Québec d’interdire l’usage des pesticides en milieu agricole à moins de 2 kilomètres de maisons, de routes ou de bâtiments publics. En milieu urbain, l’usage des pesticides devrait être restreint à l’intérieur et à l’extérieur des écoles, des garderies et des établissements de santé, plaide-t-il. Dans les municipalités, la fondation veut interdire la vente de pesticides dans les 150 villes et villages qui en prohibent déjà l’usage à des fins cosmétiques.
Nuances de chercheurs
Selon des experts contactés par Le Devoir, les craintes soulevées par l’organisation environnementale sont fondées pour la maladie de Parkinson, mais plus floues en ce qui a trait à l’autisme. « La relation entre la maladie de Parkinson et les pesticides est claire depuis des décennies. Chaque fois qu’on utilise des pesticides, surtout des insecticides, on augmente les risques », a indiqué le Dr Ron Postuma, neurologue de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal (Le Neuro) et spécialiste de la maladie de Parkinson. Toutefois, dit-il, les pesticides ne sont pas en cause dans la majorité des diagnostics.
Quant à l’autisme, les preuves à l’encontre des pesticides sont encore minces, mais elles sont légion pour ce qui est des multiples problèmes neurologiques et comportementaux qu’ils peuvent entraîner chez les enfants, affirme Maryse Bouchard, professeur de santé environnementale à l’École de santé publique de l’Université de Montréal et chercheuse au CHU Sainte-Justine.
« L’exposition pendant la grossesse est reliée à des problèmes comportementaux et à une baisse du quotient intellectuel chez les enfants nés de mères vivant à proximité de champs arrosés. Tout cela milite en faveur d’une plus grande restriction. Surtout que, dans bien des cas, on peut s’en passer. »
Pesticides au Canada
Insecticides : 345 sortes de pyréthrinoïdes sont homologuées par Santé Canada pour combattre divers insectes considérés comme nuisibles dans les espaces domestiques, allant des moustiques aux poux. Le chlopyrifos, un produit de la famille des organophosphorés utilisé en milieu agricole, est interdit dans huit pays d’Europe et plusieurs États américains dont la Californie, en raison des risques posés pour le développement du cerveau chez l’enfant. Une étude relie ce produit à l’autisme.Herbicides : 448 types de glyphosates sont homologués au Canada comme désherbants. Ce produit fait l’objet de multiples révisions en Europe, et l’Allemagne vient de décider de l’interdire en 2023.