Des tonnes de rejets miniers stockés près d’un esker

Des milieux humides comme celui-ci sont situés à proximité d’une mine de lithium en voie d’être exploitée, près de La Motte, en Abitibi.
Photo: Renaud Philippe Le Devoir Des milieux humides comme celui-ci sont situés à proximité d’une mine de lithium en voie d’être exploitée, près de La Motte, en Abitibi.

L’exploitation de la mine à ciel ouvert Authier générera près de 80 millions de tonnes de résidus miniers qui seront stockés à quelques dizaines de mètres d’un esker de qualité exceptionnelle, en Abitibi. Le promoteur affirme toutefois que son projet est sans risque pour cette source d’eau potable majeure.

La minière Sayona, contrôlée par des intérêts financiers australiens, a toujours souhaité échapper à un examen dirigé par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Elle avait d’ailleurs présenté son projet de mine à ciel ouvert en soulignant que l’extraction quotidienne atteindrait 1900 tonnes, soit tout juste sous le seuil critique des 2000 tonnes, qui oblige à un assujettissement au BAPE.

Mais devant la controverse soulevée par la proximité de la mine par rapport à l’esker Saint-Mathieu-Berry — qui a déjà obtenu le titre de « meilleure eau potable au monde » — le ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charette, a finalement mandaté le BAPE pour mener un examen du projet.

L’« avis de projet » qui vient d’être publié par le gouvernement, dans le cadre du processus d’évaluation, précise que la mine produira du lithium, mais aussi 78,2 millions de tonnes de « stériles » et de « résidus miniers ». Il s’agit d’une moyenne de 5,5 millions de tonnes par année durant les 14 années d’exploitation de la mine.

Selon la carte présentant les différents éléments du projet, l’« aire d’accumulation » de ces résidus sera située à un peu plus de 100 mètres des limites de l’esker. Cette aire aura une superficie d’un kilomètre carré, pour une hauteur de 60 mètres, soit l’équivalent d’un immeuble commercial de 17 étages.

Quant à la fosse de la mine, qui atteindra une taille de 1000 mètres par 600 mètres, pour une profondeur de 200 mètres, elle sera située à moins de 200 mètres des limites de l’esker.

Craintes

 

Cette très grande proximité entre le projet minier, l’aire d’accumulation des résidus et l’esker Saint-Mathieu-Berry suscite des craintes chez des citoyens de La Motte, en Abitibi, qui s’étaient mobilisés pour réclamer une évaluation du BAPE.

« Ce projet soulève toujours des inquiétudes pour la protection de l’eau, mais aussi parce que tout le milieu naturel où le projet doit s’installer est un milieu écologique fragile », résume Rodrigue Turgeon, du Comité citoyen pour la protection de l’esker.

M. Turgeon, qui connaît bien le secteur où serait implantée la mine, aurait d’ailleurs souhaité que l’entreprise Sayona choisisse d’éloigner la montagne de résidus de l’esker, d’autant plus que ces résidus resteront sur place, une fois l’exploitation du gisement terminée.

Le directeur du développement durable de la minière, Serge Rouillier, répond que l’entreprise a évalué différentes options avant d’opter pour le site choisi pour stocker les résidus. « L’emplacement actuel est le meilleur choix », affirme-t-il, en soulignant que les enjeux environnementaux ont été analysés. Les détails de cette analyse seront inscrits dans l’étude d’impact, que Sayona prévoit terminer d’ici l’automne.

« Aucun impact »

M. Rouillier est par ailleurs formel : ni la mine ni le site de résidus n’auront des répercussions sur la qualité de l’eau de la région. « Le projet n’a aucun impact possible sur l’esker », dit-il, en précisant que deux études hydrogéologiques ont été menées dans le secteur.

Qui plus est, la minière a prévu d’implanter un « fossé de collecte » de l’eau autour de l’aire d’accumulation de résidus, mais aussi de la fosse de la mine. Cette eau sera analysée « avant le retour à l’environnement ».

Par ailleurs, même si le projet a longtemps été prévu pour une extraction quotidienne de 1900 tonnes de minerai, l’avis de projet confirme que 2600 tonnes seront extraites chaque jour. La durée de vie de la mine a aussi été estimée à 14 ans, contre 18 ans auparavant. « C’est un très beau projet pour la communauté. On tenait à avoir un projet de développement durable », conclut M. Rouillier.

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