Le projet de mine de lithium Authier, en Abitibi, sera soumis au BAPE

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a finalement décidé d’assujettir le projet de mine de lithium Authier, en Abitibi, à un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). L’entreprise australienne qui pilote le projet, Sayona, espérait pouvoir échapper à une telle procédure.
Le ministre a fait savoir mardi que « les résultats des travaux d’analyse » réalisés par le personnel de son ministère lui permettent de « confirmer » l’assujettissement du projet minier à la procédure d’évaluation menant au BAPE.
Selon ce qu’a fait valoir le cabinet de M. Charette par voie de communiqué, le projet minier aura bel et bien une capacité maximale journalière d’extraction supérieure au seuil de 2000 tonnes métriques, selon les critères établis par le Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement. Or, dépassé ce seuil, tout projet minier est automatiquement assujetti à une évaluation du BAPE.
Le projet devra donc faire l’objet d’une consultation publique sur ses enjeux, d’une étude d’impact du promoteur, d’une période d’information publique menée par le BAPE et d’une analyse environnementale du ministère de l’Environnement. Un processus que la minière a déjà qualifié de « long et coûteux ».
Est-ce que le ministre pourrait réviser sa décision si le promoteur décidait de réduire l’extraction quotidienne sous les 2000 tonnes ? « Rien ne nous laisse présumer que le promoteur envisage cette avenue. Cependant, s’il décide de réviser son projet de façon importante, le ministère devra effectuer une nouvelle analyse d’assujettissement en fonction des paramètres d’exploitation qui lui seront alors soumis », a répondu mardi son attaché de presse, Louis-Julien Dufresne.
Mine et esker
La minière Sayona, contrôlée par des intérêts financiers australiens, a toujours souhaité échapper à un examen dirigé par le BAPE. Elle avait d’ailleurs présenté son projet de mine à ciel ouvert en soulignant que l’extraction quotidienne atteindrait 1900 tonnes, soit tout juste sous le seuil critique des 2000 tonnes.
L’entreprise compte exploiter le gisement Authier, situé dans la municipalité de La Motte, à 45 kilomètres au nord-ouest de Val-d’Or, en Abitibi-Témiscamingue. L’exploitation du minerai de lithium se ferait à ciel ouvert sur une période de 18 ans. La fosse atteindrait plus d’un kilomètre de longueur, 600 mètres de largeur et 200 mètres de profondeur. L’entreprise prévoit aussi de construire un concentrateur et deux haldes afin d’entreposer les résidus miniers.
Des groupes environnementaux et des citoyens de la région se sont mobilisés pendant plusieurs mois pour réclamer la tenue d’un examen du BAPE, craignant que le projet de mine ne représente une menace pour l’esker Saint-Mathieu-Berry, situé à quelque 150 mètres de la fosse. Il faut dire que l’eau de cet esker, qui alimente la région d’Amos et l’usine d’embouteillage d’eau Eska, a déjà obtenu le titre de « meilleure eau potable au monde ».
« La procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, qui comprend notamment une étape d’information et de consultation publiques conduite par le BAPE, permettra à la population de s’exprimer et de s’informer. Ultimement, le promoteur pourra présenter les mesures de protection de l’environnement susceptibles d’assurer l’acceptabilité de son projet tant sur les plans social et environnemental que sur le plan économique », a déclaré lundi le ministre Benoit Charette, par voie de communiqué.
En campagne électorale, la Coalition avenir Québec s’était engagée à demander des consultations du BAPE sur ce projet. Or, après l’élection, le gouvernement avait dit vouloir prendre davantage de temps pour y réfléchir.
Décision saluée
Libéraux, péquistes et solidaires ont réagi mardi en saluant la tenue d’un examen du BAPE, une procédure qu’ils avaient d’ailleurs réclamée. « Le ministre nous a fait languir pour l’annonce de ce BAPE, même s’il aurait dû être automatique selon la loi. Nous serons d’autant plus attentifs pour la suite afin de nous assurer que les recommandations soient suivies à la lettre », a ajouté la députée solidaire de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, Émilise Lessard-Therrien.
« La décision d’aujourd’hui envoie un signal clair à l’ensemble de l’industrie : il n’est pas possible de contourner la loi en présentant des projets tout juste sous la barre des limites réglementaires. Elle rappelle aussi l’importance de la mobilisation citoyenne pour protéger l’environnement et les droits des citoyens », a affirmé le porte-parole de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, Ugo Lapointe.
« Nous sommes satisfaits que le ministre n’ait pas cédé aux pressions de la minière. La mobilisation citoyenne a porté ses fruits. C’est un signal fort envoyé à l’industrie : la protection de l’environnement n’est pas négociable », a fait valoir Sidney Ribaux, de l’organisme Équiterre.
Du côté de Sayona, on a simplement dit prendre acte de la décision du gouvernement du Québec. « La communication du gouvernement du Québec et ses impacts seront l’objet d’une analyse minutieuse à l’interne et la société fera connaître en temps et lieu la décision qu’elle prendra en conséquence. D’ici là, elle ne formulera aucun autre commentaire », a-t-on indiqué par voie de communiqué.
Sayona Québec, filiale d’une minière australienne, a quatre lobbyistes inscrits au registre québécois. Leur mandat comprend des représentations pour obtenir les « permis » nécessaires pour le démarrage du projet Authier, mais aussi pour bénéficier d’un « soutien financier » de la part du gouvernement du Québec, possiblement sous forme de « subventions ».