

L’Allemagne, entre tradition et transition
Le pays, toujours très dépendant du charbon, tente de négocier la sortie du combustible fossile.
Avant même de poser le pied sur le sol allemand, on constate déjà, du haut des airs, la forte présence des éoliennes sur le territoire. Le long des autoroutes aussi, les grandes pales blanches sont de plus en plus nombreuses à tourner, dans cette Allemagne où la part des énergies renouvelables a été multipliée par cinq en 15 ans.
À défaut de bénéficier de nombreuses grandes rivières à harnacher, ce pays du G7 doit en effet opter pour d’autres formes d’énergies renouvelables. Et dans ce domaine, « l’éolien occupe une place grandissante, en raison du cadre efficace mis en place pour accélérer la transition énergétique », souligne Eike Karola Welten, ingénieure industrielle en énergie et gestion de l’environnement.
Selon les données officielles de la German Wind Energy Association (BWE), 1792 nouvelles éoliennes ont été construites dans le pays au cours de la seule année 2017. Au total, selon des chiffres mis à jour au début de cette année, on y comptait plus de 28 675 éoliennes en milieu terrestre. La puissance installée sur le territoire dépasse les 56 000 MW, soit 14 fois celle qu’on retrouve au Québec.
À ces éoliennes terrestres, il faut ajouter le développement à grande échelle de l’énergie éolienne en mer du Nord et en mer Baltique, où on comptait untotal de 1170 éoliennes à la fin du mois de juin 2018.
En fin de compte, la puissance économique est aussi devenue le premier pays d’Europe pour la production d’électricité à partir du vent. À l’échelle mondiale, l’Allemagne est aujourd’hui troisième pour l’ensemble du secteur, et deuxième pour le développement en mer.
Toute cette énergie tirée du vent représente désormais près de 20 % de l’approvisionnement électrique dans ce pays qui a inauguré son premier parc d’éoliennes en 1987. « Le secteur représente aussi un moteur important de création d’emplois, puisque la seule industrie éolienne emploie huit fois plus de travailleurs que l’industrie du charbon », fait valoir une source du ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sûreté nucléaire. Au total, on parle de 160 000 emplois, contre 20 000 pour le secteur du charbon, historiquement très important en Allemagne.
Dans certaines régions, le développement éolien est d’ailleurs devenu un outil économique important pour tenter de relancer des communautés dévitalisées, après des années de prospérité basée sur l’exploitation du pire des combustibles fossiles.
Le village de Drehnow, dans la région de Brandebourg, illustre très bien cette mouvance. Sur petit ce territoire occupé par à peine 520 habitants, on retrouve sept éoliennes. Mais les imposantes structures ne font pas que produire de l’électricité pour alimenter le réseau national, elles génèrent aussi des retombées économiques pour les citoyens.
« Les gens estimaient qu’ils ne bénéficiaient pas directement des éoliennes, alors qu’ils auraient à en subir les impacts pendant plusieurs années. Le conseil municipal a donc négocié des paiements annuels, afin de soutenir des projets au bénéfice de la communauté », explique Sebastian Zoepp, fondateur et directeur de la Spreeakademie, un organisme qui oeuvre pour le développement durable régional.
La municipalité reçoit ainsi chaque année l’équivalent de 150 000 $. Ces fonds servent à financer les services de garde, précise M. Zoepp. « Ils soutiennent même directement les familles qui décident de venir s’installer. Ils offrent 3000 $ pour le premier enfant, puis 1000 $ si vous vivez encore dans le village trois ans plus tard. »
Plusieurs installations d’énergie renouvelable sont tout de même détenues par des investisseurs privés. C’est le cas du vaste parc de panneaux solaires Lieberose, situé dans la région du même nom, à 90 km au sud-est de Berlin. Ce parc, qui produit de l’énergie depuis 10 ans, compte plus de 900 000 panneaux solaires. De quoi fournir de l’électricité pour 15 000 résidences.
Cette installation témoigne surtout d’un souci d’utilisation optimale du territoire en Allemagne, un pays dont la superficie est 4,5 fois moins importante que celle du Québec, mais dont la population est 10 fois plus importante. Les panneaux solaires ont été installés sur un terrain fortement contaminé, et donc impropre au développement urbain, qui a servi dans le passé de site d’essais militaires, notamment d’armes chimiques, d’abord par les nazis, puis par les Soviétiques.
À l’échelle du pays, l’énergie solaire fournit aujourd’hui près de 7 % de l’électricité. Et même si le secteur a connu un déclin de développement au cours des dernières années, la filière solaire thermique et la filière photovoltaïque se situent au premier rang européen pour la production.
En combinant le développement éolien, l’énergie solaire, la biomasse solide (issue des déchets et du bois) et le biogaz, le pays est parvenu à multiplier par cinq le taux d’énergies renouvelables dans sa consommation globale, et ce, en à peine 15 ans. Ce taux avoisine aujourd’hui les 38 %.
L’Allemagne a donc fait des progrès majeurs, fait valoir une source au ministère de l’Environnement, de la de Conservation de la nature et de la Sûreté nucléaire. « On constate la réduction des gaz à effet de serre dans le secteur énergétique, mais on voit aussi qu’il est possible de combiner ces réductions avec le développement économique. »
Dans ce contexte, Berlin a confiance de pouvoir atteindre la « neutralité carbone » au milieu du siècle, selon une source officielle. « Nous n’allons pas atteindre la réduction de 40 % d’ici 2020. Il y a un grand écart, mais nous sommes déjà à -28 %. Nous devrions donc atteindre cette première cible, mais surtout le zéro émission en 2050. »
Le pays, toujours très dépendant du charbon, tente de négocier la sortie du combustible fossile.
La puissance d'Europe se range aussi en tête de liste pour l'éolien.
L’ensemble des activités emploie plus de 800 000 personnes.