Votre chat pourrait-il nuire aux bélugas du Saint-Laurent?

Le parasite de la toxoplasmose qui affecte les bélugas du Saint-Laurent ne peut provenir que des selles des chats domestiques, très nombreux au Québec.
Photo: Alexandre Shields Le Devoir Le parasite de la toxoplasmose qui affecte les bélugas du Saint-Laurent ne peut provenir que des selles des chats domestiques, très nombreux au Québec.

Les bélugas du Saint-Laurent seraient particulièrement touchés par le parasite de la toxoplasmose, une infection potentiellement mortelle qui est transmise par les chats domestiques. Telle est la conclusion d’une étude scientifique qui apporte de nouvelles preuves des impacts de la présence de contaminants issus de l’activité humaine sur l’écosystème du Saint-Laurent.

On savait déjà que les bélugas québécois sont exposés à de nombreux contaminants particulièrement nocifs. Dans le cadre d’une nouvelle étude dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue scientifique Diseases of Aquatic Organisms, des chercheurs ont aussi constaté que plusieurs de ces cétacés résidents du Saint-Laurent seraient infectés par le parasite Toxoplasma gondii, responsable de la toxoplasmose, une infection qui peut entraîner différents impacts sur la santé, voire la mort.

Les scientifiques ont ainsi analysé des échantillons provenant de 34 carcasses de bélugas retrouvées sur les rives du Saint-Laurent. Au total, 44 % des animaux présentaient une infection à la toxoplasmose, ce qui constitue une « prévalence élevée », peut-on lire dans l’étude.

Les travaux des chercheurs indiquent aussi que les mâles et les jeunes bélugas, dont les nouveau-nés, « sont plus souvent infectés ». Ce dernier constat indique une transmission de la mère à son veau.

Parasite résistant

 

Si les chercheurs savaient déjà qu’on pouvait retrouver le parasite de la toxoplasmose chez le béluga, tout comme chez d’autres mammifères marins, les plus récentes analyses indiquent que le problème serait plus présent que prévu.

« Les bélugas sont beaucoup plus exposés au parasite que ce qu’on croyait auparavant, et il s’agit d’un parasite très résistant qui peut potentiellement tuer les bélugas », explique le vétérinaire et pathologiste Stéphane Lair, coauteur de l’étude.

« C’est peut-être une cause de décès plus importante que ce que les nécropsies peuvent laisser croire », ajoute le Dr Lair, qui est aussi directeur du Centre québécois sur la santé des animaux sauvages de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.

Stéphane Lair et ses collègues scientifiques se veulent toutefois prudents, soulignant qu’il faut poursuivre les travaux de recherche pour mieux comprendre l’ampleur du problème.

« Ça ne semble pas être une cause de mortalité importante, mais il est possible qu’on détecte seulement la pointe de l’iceberg. On peut manquer des cas, parce qu’il est difficile de mettre le parasite en évidence », souligne celui qui a participé à plusieurs nécropsies de bélugas depuis trente ans. Pour le moment, il mentionne « entre six et huit cas de mortalité documentés » associés à la toxoplasmose.

Le chat suspect

 

Chose certaine, le parasite ne peut provenir que des selles des chats domestiques, qui sont très nombreux, notamment au Québec. On en compterait actuellement plus de deux millions dans la province.

Le parasite de la toxoplasmose se retrouve dans le système digestif du chat, lorsque celui-ci y est exposé, notamment en mangeant des rongeurs. Le parasite se retrouve donc dans sa litière, dont certains types sont conçus pour être jetables à la toilette. Sans oublier les chats qui font leurs besoins à l’extérieur.

Mortalité en 2018

Les données provisoires compilées par le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins indiquent que douze carcasses de bélugas ont été retrouvées jusqu’à présent en 2018. De ce nombre, on compte cinq femelles adultes et cinq nouveau-nés.

Le parasite Toxoplasma gondii, qui est « extrêmement résistant », fait ainsi son chemin jusqu’au Saint-Laurent, et notamment dans l’habitat du béluga. Le problème, c’est que cette espèce de cétacé ne serait pas naturellement apte à faire face à ce parasite, explique Stéphane Lair.

« Ce n’est pas normal de retrouver ce parasite à de tels niveaux dans l’environnement du béluga. Il faut se rappeler que le chat est une espèce introduite en Amérique. Il s’agit donc, en quelque sorte, d’un parasite exotique. »

Le chat gardé à l’intérieur

Dans ce contexte, le fait de garder son chat à l’intérieur pourrait contribuer à réduire le problème, selon le Dr Lair.

« Ce qui est problématique, c’est l’accès des chats aux rongeurs. S’ils vont à l’extérieur, ils risquent d’être infectés, et ensuite d’infecter le béluga si les matières fécales finissent dans le fleuve. Les chats gardés à l’intérieur n’ont jamais accès à des rongeurs. Ils ne sont donc pas infectés et ne représentent pas un risque. En plus, ils vivent plus longtemps. »

Les scientifiques se demandent par ailleurs comment les cétacés se retrouvent infectés. Pour le savoir, le Dr Lair estime qu’il faudrait pour cela analyser les organismes marins qui composent la diète des bélugas.

Les chercheurs concluent néanmoins à l’importance de réduire à la source la présence de ce parasite. Une avenue d’autant plus prioritaire que les bélugas sont déjà soumis à « une variété de menaces » qui met en péril la survie de l’espèce, dont il subsiste moins de 900 individus dans le Saint-Laurent.

 

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