L’humanité doit cesser d’émettre du CO₂, prévient le GIEC

Il faudrait réduire au minimum de 35 % d’ici 2050 les GES particulièrement dommageables comme le méthane pour atteindre les objectifs visés.
Photo: Charles Rex Arbogast Associated Press Il faudrait réduire au minimum de 35 % d’ici 2050 les GES particulièrement dommageables comme le méthane pour atteindre les objectifs visés.

Pour espérer limiter les dégâts pour le climat terrestre, l’humanité devra radicalement réduire ses émissions de gaz à effet de serre et cesser d’émettre du CO₂ d’ici 2050, prévient le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Or, nous sommes toujours très loin du compte, et même si nous y parvenons, nous devrons subir des impacts majeurs liés aux bouleversements climatiques.

Le GIEC a publié dimanche soir, heure de Montréal, un nouveau rapport portant sur les impacts d’un réchauffement climatique global limité à 1,5 °C, soit l’objectif le plus ambitieux fixé dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat.

Ce « résumé aux décideurs », qui a fait l’objet de négociations ardues au cours des derniers jours entre les 126 États présents en Corée du Sud pour approuver la version finale, précise également la marche à suivre pour éviter de dépasser cette limite de 1,5 °C.

Premier constat : il est de plus en plus évident que l’humanité manquera de temps pour agir. Le rapport du GIEC souligne ainsi nous avons déjà atteint une hausse moyenne des températures de 1 °C, par rapport à l’ère pré-industrielle, et que le thermomètre mondial se dirige vers une augmentation de 0,2 °C par décennie. À ce rythme, la barre des 1,5 °C sera atteinte « entre 2030 et 2052 », peut-on lire dans cette synthèse qui s’appuie sur 6000 références scientifiques et le travail d’une centaine d’auteurs.

Zéro émission

 

En clair, malgré l’engagement pris par 195 pays de lutter contre les bouleversements du climat terrestre, les réductions prévues d’émissions de gaz à effet de serre (GES) sont tout simplement insuffisantes. Selon les prévisions actuelles, la planète se trouve sur une trajectoire de hausse moyenne des températures de plus de 3 °C d’ici la fin du siècle, soit le double de la cible jugée la plus sécuritaire par la communauté scientifique.

Qui plus est, souligne le GIEC, des réductions majeures de GES doivent être entamées « bien avant 2030 », sans quoi il ne sera tout simplement plus possible de limiter le réchauffement à 1,5 °C.

Le « résumé aux décideurs » met ainsi en lumière le besoin de réduire les émissions de CO₂ de 45 % d’ici 2030, par rapport à leur niveau de 2010. Il faudrait ensuite atteindre un « zéro net » d’émissions de CO₂ autour de 2050. Pour d’autres GES particulièrement dommageables pour le climat, comme le méthane, il faudrait les réduire au minimum de 35 % d’ici 2050.

Or, « cela impliquerait des changements rapides, de grande ampleur et sans précédent dans tous les aspects de la société », insiste le GIEC. Notre consommation mondiale d’énergie devrait non seulement être réduite, mais aussi être radicalement différente.

Fin des fossiles

 

La part des énergies renouvelables devrait combler entre 65 % et 80 % de nos besoins d’ici 2050, tandis qu’il faudrait complètement éliminer le recours au charbon. Quant à l’utilisation du pétrole, le recul nécessaire serait d’au moins 80 %, selon deux scénarios illustrés dans le rapport du GIEC. Pour le gaz naturel, deux des trois trajectoires élaborées font état d’une réduction marquée de son utilisation.

Le rapport, qui met de l’avant une croissance marquée de la production d’énergie nucléaire, plaide en outre pour une réduction de 75 % à 90 % des émissions de CO₂ du secteur industriel, pour le développement rapide du transport « à faibles émissions » de GES, mais aussi pour une meilleure planification du développement urbain et de l’utilisation du territoire, notamment en agriculture. Sans oublier une transformation de notre diète vers un régime qui soit moins « intensif » en utilisation des ressources, ce qui impliquerait entre autres de consommer moins de viande.

En plus de ces changements majeurs, le GIEC évoque, dans tous ces scénarios visant à limiter le réchauffement, l’idée de « retirer » du carbone de l’atmosphère terrestre. Ce retrait peut passer par le reboisement ou la restauration de milieux naturels, mais à très grande échelle. Le rapport mentionne également la capture et le stockage de carbone, une technique qui en est encore à l’étape de méthode expérimentale et dont l’efficacité n’a pas encore été pleinement démontrée.

Un monde déjà bouleversé

À supposer que la communauté internationale se décide à changer de cap et à agir pleinement pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, un tel bouleversement climatique impliquera néanmoins des impacts importants à l’échelle du globe.

Même à 1 °C, les impacts sur les sociétés et les écosystèmes « sont déjà observés », souligne d’ailleurs le GIEC. Plusieurs écosystèmes terrestres et marins ont déjà été modifiés, ce qui altère les « services » qu’ils rendent à l’humanité.

Le dérèglement augmente la fréquence et la puissance des événements climatiques extrêmes. Un réchauffement de 1,5 °C ajoutera à ces effets « extrêmes », par exemple aux vagues de chaleur, aux précipitations élevées, mais aussi aux sécheresses et aux pénuries de précipitations dans certaines régions.

Selon les modèles prévisionnels, le niveau des océans pourrait augmenter de 0,7 mètre d’ici la fin du siècle, même en limitant le réchauffement. Cela aura des impacts pour les États insulaires, mais aussi les communautés côtières. En outre, l’instabilité de la calotte glaciaire en Antarctique et la fonte glaces au Groenland « pourraient mener à une hausse de plusieurs mètres du niveau des océans » au cours des prochains siècles, notent les scientifiques.

Une hausse de 1,5 °C devrait modifier l’aire de distribution de « plusieurs espèces marines », mais aussi augmenter les dommages pour plusieurs écosystèmes. Le GIEC évoque « la perte de ressources côtières » et une « réduction de la productivité des pêcheries et de l’aquaculture ».

Disparition des coraux

 

Pour les coraux de la planète, reconnus pour leur grande biodiversité et leur rôle crucial dans les écosystèmes marins, leur « déclin » sera de l’ordre de 70 % à 90 %, dans un contexte de réchauffement limité. À plus de 2°C, ils devraient complètement disparaître à terme.

Ainsi, résume le GIEC, « les risques climatiques pour la santé, les moyens de subsistance, l’approvisionnement en eau, la sécurité humaine et la croissance économique devraient augmenter avec un réchauffement de 1,5 °C et s’accroître davantage à 2 °C ». Ces risques seront encore plus grands pour les citoyens des pays les plus démunis, confrontés notamment à un recul des terres cultivables.

Les experts du GIEC insistent malgré tout sur un point : il est toujours « possible » de limiter les bouleversements du climat de la Terre, à condition de prendre la mesure de l’urgence. « Les prochaines années sont probablement les plus importantes de notre histoire », souligne Debra Roberts, coprésidente d’un des groupes de travail du GIEC.

Ce nouveau rapport scientifique devrait être au coeur des discussions lors de la conférence sur le climat (COP24) qui se tiendra en Pologne en décembre. L’objectif de la rencontre, qui réunira notamment les pays signataires de l’Accord de Paris, sera de discuter de sa mise en oeuvre, mais aussi de faire le point sur l’avancement des engagements des États.

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