Six milliards pour amorcer la «transition énergétique» du Québec

Le gouvernement Couillard mise sur un plan doté d’investissements totaux de six milliards de dollars d’ici cinq ans pour amorcer concrètement la « transition énergétique » au Québec, et ainsi réduire notre dépense au pétrole. Mais la « feuille de route » présentée lundi indique que la consommation de gaz naturel doit augmenter, de même que celle de coke de pétrole et de charbon.
« La transition énergétique interpelle tous les secteurs de l’économie », a insisté le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Moreau, en présentant les grandes lignes du « Plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétiques du Québec ».
« Cette transition doit être une occasion de se démarquer en repensant nos façons de produire une énergie toujours plus propre et de mieux la consommer », a-t-il ajouté. « Le Québec a tout pour réussir sa transition et en sortir grandi et plus prospère. »
Le gouvernement Couillard prévoit donc des investissements totaux de six milliards de dollars pour la période 2018-2023, afin de financer 225 mesures diverses qui visent notamment la réduction de notre consommation de « produits pétroliers » de l’ordre de 12 %, par rapport à l’année de référence 2013. Cette première cible doit mettre le Québec sur la voie de l’atteinte de l’objectif de réduire de 40 % de cette consommation à l’horizon 2030.
Gaz et charbon
A contrario, la consommation de gaz naturel doit augmenter au cours de la même période. Selon les données dévoilées lundi dans le Plan directeur du gouvernement, la consommation doit augmenter de 12 % d’ici 2023, et de 15,3 % sur la période 2013-2030.
Est-ce que cette filière énergique constitue un bon choix, compte tenu du fait que le gaz produit en Amérique du Nord provient de plus en plus de gisements de gaz de schiste ? Oui, selon le ministre Moreau. « Il y a une importante réduction des gaz à effet de serre grâce à l’utilisation du gaz naturel, mais c’est une énergie de transition », a-t-il ajouté.
Un point de vue partagé par le principal distributeur de gaz naturel au Québec, Énergir, qui est d’ailleurs associé directement au plan. Mais pour l’ancien coprésident de la Commission sur les enjeux énergétiques, Normand Mousseau, le gaz naturel n’est pas une énergie de transition. « Il faut sortir de l’ère des hydrocarbures d’ici 2050 », a-t-il rappelé lundi.
Le gaz de schiste et celui des réservoirs étanches devraient représenter entre 70 % et 90 % de la production nord-américaine d’ici 2035.
Cette filière, à laquelle le gouvernement Couillard a renoncé pour le Québec la semaine dernière, génère d’importantes quantités de méthane, en plus d’utiliser jusqu’à 10 millions de litres d’eau par forage.
Le gouvernement prévoit aussi une augmentation de 40 % de la consommation de charbon et de coke de pétrole (un sous-produit du raffinage) au Québec d’ici 2030. Cette hausse est essentiellement imputable à la cimenterie McInnis, située en Gaspésie, qui est un important pollueur industriel.
« Dans le cadre du Plan directeur, nous allons regarder avec eux les possibilités de conversion vers des énergies moins polluantes », a toutefois dit la présidente-directrice générale de Transition énergétique Québec, Johanne Gélinas.
Le gouvernement espère par ailleurs accélérer l’électrification des transports. Actuellement, environ 25 000 véhicules électriques circulent sur les routes du Québec, pour un parc automobile qui dépasse les 4,5 millions de véhicules.
Dans ce contexte, « le gouvernement doit continuer d’être un acteur important en subventionnant l’achat de véhicules électriques, mais aussi le circuit de bornes de recharges rapides », a souligné le ministre Moreau.
Efficacité énergétique
Québec juge également nécessaire d’augmenter « l’efficacité énergétique ».
« Les Québécois consomment encore trop d’électricité. Même si cette énergie est propre et renouvelable, on doit se donner des cibles d’augmentation de l’efficacité énergétique, parce que l’énergie qu’on ne consomme pas peut être disponible à d’autres fins », a fait valoir Pierre Moreau.
Il est ainsi question de « réglementer l’efficacité énergétique », notamment à travers le Code du bâtiment. Il s’agira toutefois d’une « démarche volontaire », a dit lundi Mme Johanne Gélinas.
Titulaire de la chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau estime que le plan du gouvernement « prépare davantage le terrain de la transition qu’il ne l’amorce à court terme ».
Mais, souligne-t-il, ce plan « introduit tous les éléments qui seront nécessaires à la transition », notamment en matière d’aménagement du territoire et de « changements de comportements » chez les Québécois.