Déversement du pipeline Keystone: une pièce utilisée au Canada serait en cause

Près de 800 000 litres de pétrole albertain se sont déversés dans des champs agricoles au Dakota du Sud, en novembre dernier, en raison d’une fuite du pipeline Keystone.
Photo: Associated Press Près de 800 000 litres de pétrole albertain se sont déversés dans des champs agricoles au Dakota du Sud, en novembre dernier, en raison d’une fuite du pipeline Keystone.

La fuite récente de 800 000 litres de pétrole albertain du pipeline Keystone, au Dakota du Sud, pourrait avoir été causée par une pièce censée servir à éviter les bris de ce type de tuyau. Cet équipement est d’ailleurs couramment utilisé au Canada, mais les entreprises ne sont pas tenues d’en informer l’ONE, a appris Le Devoir.

Le 16 novembre dernier, TransCanada a annoncé la fermeture temporaire de son pipeline Keystone, en raison de la fuite de 5000 barils de pétrole des sables bitumineux, soit près de 800 000 litres. L’entreprise a alors entamé une opération de nettoyage, tout en réparant la conduite, afin de reprendre les livraisons de brut albertain au Texas.

Qu’est-ce qui a pu provoquer une nouvelle fuite sur ce pipeline, construit il y a moins de 10 ans ?

Selon un rapport préliminaire produit par la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (PHMSA), les dommages à la conduite et à son enveloppe protectrice pourraient avoir été causés par l’installation, en 2008, de « poids ». Ceux-ci sont conçus pour stabiliser et ancrer le pipeline dans les zones où la présence d’eau peut le faire bouger. C’est le cas par exemple des milieux humides.

Visiblement au fait des problèmes que pourraient poser ces équipements censés permettre de réduire les risques de bris, la PHMSA (chargée de faire appliquer la réglementation sur les pipelines aux États-Unis) suggère d’ailleurs à TransCanada d’analyser les autres « poids » le long de son pipeline de 4300 kilomètres.

Une partie de Keystone est d’ailleurs située au Canada. L’entreprise a toutefois refusé de commenter la situation ou la réalisation d’éventuels travaux d’inspection. « Nous attendons que les rapports de la métallurgie soient prêts », a simplement indiqué son porte-parole, Tim Duboyce, dans une réponse transmise par courriel.

Données inconnues

 

Chose certaine, ces « poids » sont utilisés par les entreprises qui construisent et exploitent des pipelines au Canada. « L’installation de poids, ou des mesures équivalentes, est requise lorsque des conduites enfouies peuvent flotter vers la surface », a confirmé le porte-parole de l’Office national de l’énergie (ONE), Marc Drolet.

Qui plus est, les entreprises « sont tenues d’inspecter régulièrement leurs pipelines, y compris les endroits où sont situés les poids ».

Mais à l’instar de la situation qui prévaut aux États-Unis, l’ONE n’est pas automatiquement informé de la présence de ces « poids » et ne détient pas de registre précis des lieux où ils sont installés.

« Les sociétés réglementées positionnent et décident du nombre de poids pour chaque site. Elles ne sont pas tenues de fournir systématiquement ces détails à l’ONE, qui peut cependant demander cette information en tout temps », a expliqué M. Drolet.

Enbridge

 

La pétrolière Enbridge, qui exploite le pipeline 9B, qui amène chaque jour 300 000 barils de brut de l’Ouest à Montréal, utilise ce type d’équipement de stabilisation.

« Les poids font partie de la construction d’un pipeline sûr, et sont intrinsèquement sûrs lorsqu’ils sont installés correctement. Enbridge utilise des poids conformément à tous les règlements », a indiqué son porte-parole, Ken Hall, mardi.

L’entreprise de Calgary précise que « les poids peuvent être utilisés pour ancrer un tuyau dans les zones humides, les traversées d’eau et les zones avec une nappe phréatique élevée ».

Dans la région montréalaise, le pipeline 9B traverse la rivière des Outaouais, la rivière des Mille-Îles et la rivière des Prairies. Depuis qu’il transporte du pétrole vers le Québec, ce tuyau construit en 1975 a subi au moins 60 réparations.

Malgré le discours rassurant de l’industrie, l’ONE entend examiner le rapport final de la PHMSA « afin de déterminer si les leçons tirées peuvent être appliquées ici au Canada ».

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