La construction du complexe de la Romaine était-elle une erreur?

L’ancien coprésident de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, Normand Mousseau, persiste et signe : la construction du complexe hydroélectrique de la rivière Romaine est une erreur qui risque de coûter cher aux Québécois. Le projet, dont Philippe Couillard inaugurait jeudi la centrale Romaine-3, doit coûter au moins 6,5 milliards de dollars.
Dans le rapport Maîtriser notre avenir énergétique qu’il cosignait en 2014, à la demande du gouvernement du Québec, M. Mousseau avait lancé un pavé dans la mare en soulignant que le complexe de la Romaine ne serait tout simplement pas rentable.
Les coprésidents de la Commission sur les enjeux énergétiques avaient même pressé le gouvernement d’étudier la possibilité de stopper les phases trois et quatre de l’imposant projet d’Hydro-Québec. Les péquistes, alors au pouvoir, avaient toutefois rapidement fermé la porte à tout arrêt des travaux. La centrale Romaine-3 a été inaugurée jeudi. Quant à la phase quatre, elle doit être terminée en 2020.
Appauvrissement
Pour M. Mousseau, les conclusions du rapport de 2014 sont toutefois plus valables que jamais. « On s’appauvrit collectivement avec un tel projet. Nous allons devoir payer ce projet, que ce soit comme consommateur ou comme contribuable », résume-t-il en s’appuyant sur les données officielles, confirmées par Hydro-Québec.
Dans le cas du complexe de la Romaine, la production de chaque kilowattheure (kWh) coûtera au moins 6,4 ¢. Or, précise Normand Mousseau, la société d’État a obtenu un prix moyen de 4,8 ¢ le kilowattheure sur les marchés, en 2016. Un prix qui s’est maintenu à 4,7 ¢ au cours du premier trimestre de 2017. « Et on ne voit pas de hausse importante à venir pour les prix sur les marchés », poursuit-il. Une situation qui est notamment due au fait que la production d’énergie à partir du gaz naturel a connu une croissance marquée avec le boom du gaz de schiste.
M. Mousseau ajoute que « le prix des solutions de remplacement en matière d’énergies renouvelables a chuté de façon très importante depuis le feu vert au projet de la Romaine en 2009, que ce soit dans le secteur éolien ou dans l’énergie solaire ». Sans oublier que le Québec est en situation de surplus d’énergie et que la demande ne connaît pas, selon lui, de véritable croissance.
Bref, il estime que la réalisation de ce projet relève plus de l’« entêtement » politique, au nom de la création d’emplois « temporaires ». Il souligne d’ailleurs que ce chantier n’a pas permis de structurer durablement l’économie de la Côte-Nord. Selon les données gouvernementales, le chantier génère cependant une moyenne de « près de 1000 emplois par année ».
Projet rentable
Hydro-Québec estime pour sa part que la rentabilité du projet ne fait pas de doute, notamment parce que l’énergie qui sera produite par le complexe de la Romaine sera destinée au marché québécois, mais aussi aux exportations. Son porte-parole, Marc-André Pouliot, a rappelé que la société d’État a déposé « la plus importante soumission de son histoire » dans le cadre d’un appel d’offres au Massachusetts, en plus d’un autre appel de propositions dans l’État de New York. Sans oublier une entente, signée en octobre 2016, pour des ventes fermes d’énergie à l’Ontario.
« Cette nouvelle centrale, en plus de répondre aux besoins énergétiques du Québec pour les 100 prochaines années, nous permettra d’offrir une énergie fiable, propre et renouvelable à nos voisins des États-Unis, contribuant ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre », a d’ailleurs fait valoir jeudi son président-directeur général, Éric Martel, dans le cadre de l’inauguration de la Romaine-3.
Un point de vue partagé par le premier ministre Philippe Couillard. « La construction du complexe de la Romaine est une démonstration éloquente de notre créativité, de notre savoir-faire et de notre expertise, mais aussi de notre passion pour l’innovation », a-t-il ajouté.
Le complexe de la Romaine
- Nombre de barrages : 4- Construction : entre 2009 et 2020
- Puissance : 1550 mégawatts (suffisants pour alimenter 450 000 maisons)
- Coût total : 6,5 milliards de dollars (selon la Fondation Rivières, le coût réel dépasse les 9 milliards de dollars)