Desjardins sous la pression des Premières Nations

Des représentants de plusieurs Premières Nations pressent le Mouvement Desjardins de retirer son soutien financier au projet de pipeline Trans Mountain, de Kinder Morgan, a appris Le Devoir. L’institution québécoise a accordé un prêt de 145 millions de dollars à la pétrolière, en vue de la construction de ce pipeline contesté devant les tribunaux.
Des dizaines de nations autochtones, dont les membres de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), ont fait parvenir une lettre officielle commune au Mouvement Desjardins, tout en réclamant une rencontre avec la direction de l’institution financière.
Selon ce que les signataires font valoir, le projet d’expansion Trans Mountain, qui doit permettre de transporter chaque jour 890 000 barils de pétrole jusqu’à la côte ouest, « viole les droits humains des Premières Nations », qui n’ont pas consenti au passage de ce pipeline sur leurs territoires.

Ils soulignent également que la construction d’une telle infrastructure favorisera la croissance de la production de pétrole des sables bitumineux, ce qui contribuerait à l’aggravation des bouleversements climatiques. Et dans le contexte de la mise en oeuvre de l’Accord de Paris sur le climat, de tels projets représenteraient un investissement « risqué », en raison de la baisse attendue de la consommation de pétrole.
« Ce ne sont pas des projets auxquels une institution financière socialement responsable devrait être associée », écrivent les représentants des Premières Nations, dont certaines de la Colombie-Britannique. Ils préviennent ainsi que la « réputation » de Desjardins risque de souffrir de son engagement en faveur de Kinder Morgan.
Il faut dire que le projet Trans Mountain fait face à une vive opposition en Colombie-Britannique. Pas moins de 19 recours judiciaires ont été entamés contre l’Office national de l’énergie, qui a recommandé l’approbation du projet, mais aussi contre le gouvernement Trudeau, qui a approuvé le projet en novembre 2016.
La Ville de Vancouver s’y oppose, mais aussi celle de Burnaby, où doit aboutir le pétrole albertain. Sans oublier que le gouvernement de la Colombie-Britannique vient de demander le statut d’intervenant dans le cadre des démarches judiciaires entamées.
Moratoire permanent
Par ailleurs, les Premières Nations demandent à Desjardins de rendre permanent le moratoire temporaire sur les investissements dans les projets de pipelines annoncé au début du mois de juillet.
« Nous croyons qu’un moratoire permanent, mais aussi le désinvestissement de Kinder Morgan, est non seulement une décision moralement souhaitable, mais aussi en accord avec les valeurs et les engagements de Desjardins », insistent-ils.
Selon ce qu’a expliqué jeudi le chef de l’APNQL, Ghislain Picard, Desjardins doit respecter ses engagements en matière de « développement durable », mais aussi sa signature d’une déclaration internationale d’institutions financières favorable à l’Accord de Paris.
Contacté par Le Devoir jeudi, le Mouvement Desjardins a dit prendre acte de la lettre reçue. « Nous avons bien reçu la lettre en question et assurerons les suivis auprès des représentants des Premières Nations », a écrit son porte-parole, André Chapleau.
Concernant le moratoire sur les investissements dans les pipelines, « Desjardins établira son positionnement au cours de l’automne, puisqu’il entend, d’une part, écouter les parties prenantes et, d’autre part, faire participer ses instances à la décision. Ce qui requerra du temps. Entre-temps, le moratoire demeure en vigueur ».