Déplacement de caribous: Québec refuse d’expliciter sa décision

Des caribous en route vers le sud
Photo: Peupleloup Creative Commons Des caribous en route vers le sud

Même si le gouvernement Couillard affirme que le transfert en captivité des derniers caribous de la région de Val-d’Or est la seule solution pour les sauver, il refuse de fournir les éléments factuels ou les documents sur lesquels il se base pour justifier cette décision sans précédent au Québec.

À plusieurs reprises depuis vendredi dernier, Le Devoir a demandé au cabinet du ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), Luc Blanchette, de lui fournir les détails des scénarios qui ont été étudiés concernant l’avenir de la harde de caribous de Val-d’Or, dont il ne subsisterait plus qu’une quinzaine d’individus.

Le cabinet a aussi reçu une requête afin de savoir si le gouvernement a fait produire un avis d’expertise scientifique sur la possibilité de maintenir ces animaux dans leur habitat naturel, au lieu de les transférer définitivement au Zoo de Saint-Félicien.

« Les documents que nous avons consultés sont des documents internes », a finalement répondu mardi Gabrielle Fallu, l’attachée de presse du ministre Blanchette. « Ils ne sont pas publics », a-t-elle ajouté dans une brève réponse transmise par courriel.

Ni le cabinet du ministre ni le service des communications du MFFP n’ont fourni davantage de détails concernant les éléments factuels sur lesquels le gouvernement s’est basé avant d’annoncer, vendredi dernier, le déménagement de la harde de caribous forestiers. Dans l’entourage du ministre Blanchette, on a simplement répété mardi que différents « scénarios » ont été évalués au sein du MFFP.

Le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, David Heurtel, n’a pas non plus voulu commenter la décision du gouvernement mardi. À Québec, on estime que celle-ci est sous la juridiction du MFFP. Dans les faits, cependant, la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables du Québec est sous la juridiction conjointe de l’Environnement et du MFFP.

Mauvaise décision

 

La Société pour la nature et les parcs (SNAP) estime que l’information ayant servi à prendre la décision concernant les caribous de Val-d’Or devrait être rendue publique. « Le ministère a dit que la décision qui a été prise se base sur la science, mais on ne fournit pas la justification scientifique », a déploré mardi le biologiste Pier-Olivier Boudreault, chargé de projet en conservation pour la SNAP Québec.

Il a ainsi rappelé que de telles analyses de viabilité ont déjà été réalisées ailleurs au Québec, notamment pour la harde de caribous de la Gaspésie, dont il subsisterait moins de 100 individus.

Professeur titulaire au Département de biologie de l’Université de Sherbrooke, Marco Festa-Bianchet juge pour sa part que le gouvernement vient de prouver qu’il a une vision faussée de ce que signifie la protection des espèces menacées.

« En transférant les caribous de Val-d’Or, le gouvernement avance une vision de conservation des individus, alors qu’on devrait plutôt conserver les populations de caribou dans leur habitat, avec leur habitat. Ces animaux font partie d’un écosystème », a expliqué mardi cet expert, qui a pris part aux travaux sur le caribou forestier du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ce sont ces travaux qui ont amené le fédéral à désigner l’espèce comme étant menacée.

Pour M. Festa-Bianchet, la décision du gouvernement Couillard ne change par ailleurs rien aux problèmes que vivent les populations de caribous forestiers au Québec. Il faudrait, selon lui, mieux protéger leur habitat si on veut éviter le déclin continu de l’espèce.

Greenpeace, la Fondation David Suzuki et l’Action boréale ont d’ailleurs réitéré mardi l’urgence d’agir pour éviter que d’autres hardes de caribous ne subissent le même sort que celle de Val-d’Or. Les habitats de ces cervidés sont de plus en plus convoités par l’industrie forestière, mais aussi pour le développement de projets miniers.



À voir en vidéo