Des enseignants engagés dans la cause environnementale

Réginald Harvey Collaboration spéciale
Selon une étude menée par le Centre de formation en traitement de l’eau, le projet d’oléoduc Énergie Est aurait un tracé dangereux pour les ressources en eau.
Photo: iStock Selon une étude menée par le Centre de formation en traitement de l’eau, le projet d’oléoduc Énergie Est aurait un tracé dangereux pour les ressources en eau.

Ce texte fait partie du cahier spécial Jour de la Terre

La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) affiche ses couleurs en environnement et incite les enseignants à promouvoir des comportements favorables à un développement durable.

À la suite de consultations et de débats auprès de l’ensemble de ses huit syndicats affiliés, qui se sont échelonnés sur trois ans, la Fédération adoptait à son congrès de juin 2016 une plateforme sociopolitique : elle comprend tout un bloc portant sur l’environnement.

« La croissance continue de la production et de la consommation est inconciliable avec la préservation de l’environnement, ce qui nécessite des changements majeurs », telle était la prise de position la plus radicale que prenait alors la FAE ; plus de 60 % de ses membres ont souscrit à celle-ci : « Nous, on dit qu’il faut remettre en question le modèle économique, ce qui constitue une orientation majeure entérinée par notre congrès », rapporte Alain Marois, vice-président de ce regroupement syndical.

Au cours de ces assises, il a de plus été convenu que « l’État planifie un désinvestissement dans les combustibles fossiles ; on devrait même arrêter de mettre de l’argent là-dedans, quand on pense notamment à la Caisse de dépôt ». Il ajoute encore « qu’on demande d’entreprendre dès maintenant un virage énergétique majeur et d’aller vers une transition vers des énergies renouvelables plus propres et moins polluantes ».

En action dans les écoles

 

La Fédération s’est dotée, il y a plus de huit ans, d’une plateforme Héros (humanité, écocitoyenneté, respect, ouverture, solidarité) ; en vertu de celle-ci chacun des milieux scolaires est invité à s’impliquer, notamment sur le plan environnemental, par la réalisation de projets dont la FAE assure la certification : « On reconnaît les gestes qui sont posés en environnement ; ceux-ci passent, entre autres, par le développement de systèmes de recyclage dans les cafétérias ou par la plantation d’arbres et la mise sur pied de jardins communautaires », explique le vice-président.

Prises d’eau en péril

Le personnel enseignant du Centre national de formation en traitement de l’eau rendait publique en mars dernier une étude qu’il a conduite sur le projet Énergie Est, selon laquelle « aucun tracé d’oléoduc en Amérique ne menace autant l’intégrité des écosystèmes aquatiques et les sources d’approvisionnement en eau, pour une population de 5 millions de personnes, que le projet Énergie Est ».

Le Centre est unique en son genre au Québec et il a reçu le mandat de former les futurs opérateurs de centrales d’eau potable ou d’eaux usées ; il relève de la Commission scolaire-des-Trois-Lacs de Vaudreuil-Dorion, dont les enseignants sont membres de la FAE.

Les 14 signataires de l’étude enseignent à cet endroit et leur porte-parole, Guy Coderre, laisse voir comment ce projet d’étude s’est mis en branle : « C’est une question d’un élève qui a déclenché tout cela ; il a demandé ce qui arriverait en cas de déversement d’hydrocarbures dans le fleuve et la rivière des Outaouais ? La réponse était simple : on ferme les prises d’eau dans un tel cas, car il faut protéger nos installations, et nos usines ne sont pas en mesure de traiter les hydrocarbures. »

Mais voilà qu’une deuxième question surgit, qui demande une réponse plus complexe et qui enclenche l’étude. La voici : « Si le problème dure durant une semaine qu’est-ce qu’on fait ? Compte tenu du fait que l’autonomie des réserves d’eau des villes au Québec se situe entre 12 et 16 heures. »

À la suite de quoi, plusieurs collègues se réunissent pour répondre à la question ; ils en arrivent à la rédaction d’un mémoire qui est d’abord déposé au BAPE, il y a environ un an : il révèle qu’en cas de déversement il serait irréaliste de trouver des solutions alternatives pour des villes comme Montréal et Laval, qui sont des îles : « Ce serait impossible autour de Montréal, qui compte 26 stations de purification d’eau, car on ne peut pas aller chercher l’eau dans la rivière Richelieu si le fleuve est pollué ; c’est techniquement infaisable. »

Un tracé à haut risque

Il est prévu dans le projet que l’oléoduc traversera le Québec sur une distance de 650 kilomètres et qu’il se situera à proximité de 860 cours d’eau, dont certains, comme le Saint-Laurent, sont majeurs. Guy Coderre tient ces propos peu rassurants : « Il suffit dans bien des cas d’un déversement dans l’un de ceux-ci pour qu’il y ait des conséquences dans le fleuve auquel ils sont reliés en grand nombre. » Il se concentre, à titre de spécialiste, sur les prises d’eau et fait valoir ce point de vue : « En cas de déversement, il se produirait des catastrophes sanitaires incroyables. Il est encore pire de manquer d’eau que de manquer d’électricité. »

Il trace ce bilan des populations vivant au Québec dans les environs du tracé projeté : « Il y a 3,2 millions de personnes dans la région de Montréal ; sans compter qu’il y a aussi plusieurs autres villes en bordure du fleuve qui ont des prises d’eau. »

Il tient à faire ressortir un autre point majeur qui se dégage de l’étude : « La grande majorité du pétrole qui va circuler dans ce pipeline-là, si jamais ce dernier voit le jour, c’est du bitume dilué issu des sables bitumineux de l’Alberta. »

Contrairement aux prétentions des promoteurs du projet qui assurent qu’il va demeurer en surface et qu’il n’aura pas d’effet sur les prises d’eau en cas de déversement, il affirme qu’il possède des analyses scientifiques prouvant hors de tout doute le contraire : « Cette “mélasse-là” est pompée et diluée avec beaucoup de solvant et, dès qu’il y a une fuite, comme le rapporte très clairement l’Académie des sciences des États-Unis, les solvants s’évaporent au cours des premières heures ; quant au produit qui reste, le bitume, il s’enfonce dans l’eau qu’il vient polluer dans toute la colonne d’eau. »

Les prises d’eau deviennent vulnérables : « Ce bitume coule et se répand dans toute la colonne pour atteindre les prises même si elles se trouvent à trois ou quatre mètres en profondeur. Il devient alors nécessaire de stopper les usines pour éviter leur pollution et celle de tout le réseau d’aqueduc. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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