Le Canada a réduit ses émissions de GES de 2,2% en 10 ans

La croissance continue du secteur pétrolier et gazier a presque annulé les efforts accomplis depuis 10 ans en matière de lutte contre les gaz à effet de serre dans d’autres secteurs de l’économie canadienne, limitant à pas plus de 2,2 % la réduction totale des émissions de GES observée au Canada depuis 2005.
Le tout dernier inventaire national du ministère fédéral de l’Environnement sur les sources d’émissions de gaz à effet de serre démontre qu’en 2015, les émissions totales de GES se sont élevées à 722 mégatonnes, un recul de moins de 1 % par rapport à l’année précédente et une diminution nette de seulement 16 Mt (2,2 %) par rapport aux émissions de 2005 (738 Mt).
Cette piètre performance place le Canada bien loin des objectifs qu’il devrait atteindre s’il souhaite respecter son objectif prévu de 30 % de réduction des émissions d’ici 2030 par rapport aux émissions de 2005. En fait, il faudrait que le Canada redouble ses efforts au cours des 15 prochaines années pour arriver aux cibles fixées pour respecter l’Accord de Paris, dont l’objectif est de limiter à deux degrés la hausse du climat planétaire par rapport à l’ère préindustrielle.
« La réduction devrait presque être de 2 % des émissions par année pour y arriver, et ce qu’on voit c’est que les mesures actuelles ne sont pas suffisantes. On se retrouve avec l’héritage des années d’inaction du gouvernement Harper et cela va prendre du temps avant que les changements de politiques se reflètent dans une réduction sensible des émissions », a fait valoir vendredi Patrick Bonin, porte-parole du programme Climat Énergie pour Greenpeace.
Selon ce dernier, les émissions de 189 Mt issues du seul secteur pétrolier et gazier pour 2015 dépassent, pour la troisième année consécutive, celles générées par le secteur des transports (de 173 Mt). À elle seule, l’exploitation des sables bitumineux est désormais responsable de plus de 37 % des émissions du secteur pétrolier et gazier, avec des rejets qui ont bondi de 35 Mt en 2005 et à 71 Mt en 2015. Des résultats peu étonnants, quand on sait la croissance exponentielle qu’a connue la production de pétrole provenant des sables bitumineux en Alberta ces dernières décennies.
« Cette industrie a connu une croissance de 600 % depuis 1990 et les émissions issues de l’exploitation des sables bitumineux ont augmenté de 360 % », souligne Patrick Bonin.
Cette industrie fait de l’Alberta la plus forte émettrice de GES, avec des émissions en hausse de 18 % entre 2005 et 2015. La province génère d’ailleurs plus d’émissions que le Québec et l’Ontario réunis. Si la tendance se poursuit, le seul secteur de l’exploitation des sables bitumineux pourrait peser plus lourd que l’ensemble du Québec dans le bilan national des gaz à effet de serre, estime le porte-parole de Greenpeace.
On se retrouve avec l’héritage des années d’inaction du gouvernement Harper
Faibles progrès en transport
Si le secteur de l’énergie génère désormais plus de 81 % des GES émis au Canada, les secteurs industriel (75 Mt) et de la production agricole (73 Mt) ont vu leurs émissions plafonner ou fléchir légèrement. Mais pas l’industrie des transports, qui continue de peser lourd dans ce bilan national. L’augmentation de la flotte de véhicules énergivores et polluants, notamment des véhicules utilitaires sport (VUS) et des camions lourds, a favorisé une hausse de 4 % des émissions entre 2005 et 2015. Mais ce secteur de l’économie enregistre toutefois des baisses depuis 2013.
Même si le Canada compte pour peu dans le bilan mondial des GES, il reste toutefois en tête des pays ayant les plus fortes émissions par habitant, avec 20,1 tonnes par habitant.
« Il va falloir continuer de réduire la consommation de pétrole et exiger que le gouvernement mette en place très rapidement les mesures annoncées dans le cadre canadien de lutte contre les changements climatiques, dont on ne sait toujours pas comment 44 Mt seront éliminées », souligne Patrick Bonin.
Le Québec devra quadrupler ses efforts
Selon ce dernier bilan fédéral, le Québec a réussi à réduire de 10 % ses émissions de GES entre 2005 et 2015, faisant passer ses émissions annuelles de 89 à 80 Mt. Toutefois, depuis cinq ans, la baisse s’établit à 2,5 %. Le Québec affiche même une hausse de ses émissions de 100 000 tonnes pour 2015. « Il faudra quadrupler les efforts pour atteindre la cible de réduction prévue de 20 % des GES d’ici 2020 pour le Québec », selon Patrick Bonin, de Greenpeace.Une étude plus approfondie du rapport fédéral révèle également que, si certains progrès ont été accomplis dans certains secteurs industriels et manufacturiers, on note une hausse des GES émis au Québec dans le secteur des transports, notamment ceux attribuables au transport par camions lourds.