Québec appuie la candidature d’Anticosti à l’UNESCO

Le gouvernement Couillard a finalement donné son appui mercredi à la candidature de la municipalité d’Anticosti, qui souhaite que l’île soit reconnue comme site du patrimoine mondial de l’UNESCO. Un soutien qui ne change rien au projet d’exploration pétrolière, même si Québec reconnaît que l’exploitation est impossible sur un site reconnu par l’organisme onusien.
Évoquant un « consensus » par rapport à la candidature d’Anticosti à l’UNESCO, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Arcand, a annoncé l’appui du gouvernement à la sortie du Conseil des ministres, en compagnie de ses collègues ministres Luc Blanchette, Julie Boulet et David Heurtel. Seul ce dernier a pris la parole au cours du point de presse.
Un « joyau » touristique
Puisque l’État québécois a fait l’acquisition de l’île en 1974, et qu’il en est donc le propriétaire, le gouvernement devait donner son consentement pour que le dossier soit jugé valide. Celui-ci doit être déposé à Parcs Canada au plus tard ce vendredi 27 janvier.
« Cette reconnaissance va donner une vitrine extraordinaire à Anticosti pour développer et consolider l’industrie touristique, alors nous serons très heureux s’ils peuvent obtenir cette reconnaissance », a fait valoir la ministre du Tourisme, Julie Boulet. Selon elle, l’île pourrait devenir un « joyau » touristique.
Le maire d’Anticosti, John Pineault, espère justement que la reconnaissance d’Anticosti permettra de développer le tourisme sur cette île dont la superficie équivaut à 16 fois celle de l’île de Montréal. Pour le moment, la municipalité souffre d’un recul marqué de sa population, qui avoisine aujourd’hui les 200 habitants.
Exploration pétrolière
Le ministre Arcand a surtout profité du point de presse pour répéter à plusieurs reprises que cet appui du gouvernement ne signifie pas un arrêt du projet d’exploration pétrolière. « Pour nous, ça ne change pas grand-chose pour le projet. On a toujours dit qu’on allait respecter le contrat, et nous allons continuer de respecter le contrat du Parti québécois », a-t-il souligné.
Le « processus d’exploration » va « se poursuivre », a-t-il ajouté. Ce projet est financé en majorité par l’État québécois, en vertu d’un contrat signé par le gouvernement du Parti québécois en 2014. Le gouvernement doit y injecter un total de 56,7 millions de dollars.
Selon des évaluations préliminaires, le sous-sol de l’île pourrait renfermer des milliards de barils de pétrole de schiste, mais aussi du gaz de schiste. Or, malgré plusieurs campagnes d’exploration menées au fil des ans, aucun gisement d’énergies fossiles n’a été découvert sur l’île. Et pour extraire d’éventuelles ressources, les investissements en exploitation et en infrastructures seraient majeurs.
Selon un scénario « optimisé » de développement commercial élaboré à la demande du gouvernement Couillard, l’exploitation sur l’île pourrait durer 75 ans. Au cours de cette période, qui doit en théorie mener à une élimination mondiale du recours aux énergies fossiles, l’industrie pourrait forer pas moins de 4155 puits répartis sur 445 plateformes.
Forages à venir
Le gouvernement a accordé en décembre la dernière autorisation réclamée par Pétrolia — opérateur des travaux sur Anticosti — pour la préparation des trois sites où des forages avec fracturation doivent avoir lieu cette année. Selon les termes du contrat en vigueur, ces forages exploratoires pourraient mener à d’autres forages avec fracturation sur Anticosti, afin de confirmer s’il existe un potentiel d’exploitation commerciale.
Est-ce que la priorité est du gouvernement libéral est la conservation de l’île d’Anticosti ? « La priorité du gouvernement libéral est de prendre les meilleures décisions pour le Québec, et ce sont les décisions que nous avons prises aujourd’hui », a fait valoir Pierre Arcand, mercredi.
Le ministre a d’ailleurs indiqué que l’exploitation pétrolière serait incompatible avec la mise en valeur de l’île d’Anticosti, si celle-ci est reconnue comme site du patrimoine mondial de l’UNESCO. « Il n’y aura pas de pétrole sur Anticosti s’ils obtiennent le statut », a laissé tomber le ministre.
Silence de Pétrolia
Un point de vue partagé par le maire de la municipalité, John Pineault, qui estime que « cette décision met fin, à toute fin pratique, à l’extraction d’hydrocarbures sur l’île ». Selon lui, « Anticosti est enfin reconnue pour ce qu’elle est : un joyau du Saint-Laurent trop longtemps délaissé ».Les groupes environnementaux voient par ailleurs, dans la décision annoncée mercredi, un geste en faveur d’une sortie progressive des énergies fossiles. « Québec pose un geste de plus pour s’éloigner des hydrocarbures et prendre un virage de plus en plus résolu vers une économie sobre en carbone », a souligné le directeur général d’Équiterre, Sidney Ribaux.
Il n’a pas été possible mercredi d’obtenir de réaction de la part de l’Association pétrolière et gazière du Québec ou de la part de Pétrolia. Depuis que Philippe Couillard a manifesté son opposition à l’exploitation d’énergies fossiles sur l’île, Pétrolia a critiqué le premier ministre à plusieurs reprises. L’entreprise, dont Québec est le premier actionnaire, a déjà évoqué la possibilité d’intenter des poursuites et d’exiger des compensations financières en cas d’arrêt du projet d’exploration.
Île exceptionnelle
Pour la municipalité d’Anticosti, qui rendait publique sa candidature la semaine dernière, il ne fait aucun doute que le « dossier scientifique » rédigé au cours des derniers mois est complet et crédible. Selon ce qu’a fait valoir son maire, John Pineault, la plus grande île du Québec se conforme à 4 des 10 critères établis par l’UNESCO, tous liés à des caractéristiques naturelles et culturelles « exceptionnelles ».
D’un point de vue géologique, par exemple, elle est « unique au monde », estime le professeur André Desrochers, du Département des sciences de la terre et de l’environnement de l’Université d’Ottawa. Selon lui, « Anticosti est le meilleur laboratoire naturel pour l’étude de la première extinction de masse du vivant, il y a près de 445 millions d’années. Elle nous permet de mieux comprendre les profonds changements climatiques qu’a subis la planète à cette époque et la manière dont la vie a repris son cours ». Et aucun site du genre n’est actuellement inscrit au patrimoine mondial.
« Cette île possède un extraordinaire paysage culturel, des caractéristiques que l’UNESCO cherche également à protéger », constate pour sa part Philippe Poullaouec-Gonidec, directeur de la Chaire UNESCO en paysage et environnement de l’Université de Montréal.
C’est la ministre de l’Environnement du Canada, Catherine McKenna, qui a invité le 8 août dernier le public à soumettre des propositions de sites devant être inscrits au patrimoine mondial. Les nouveaux sites du patrimoine mondial de l’UNESCO proposés seront annoncés en 2017 afin de célébrer le 150e anniversaire de la Confédération. Le Canada compte déjà 18 de ces sites, dont le parc national de Miguasha, en Gaspésie.