Trump, nouvel allié pétrolier du Canada

Avec ce décret, le président Trump offre un appui politique majeur au projet de la pétrolière TransCanada.
Photo: Evan Vucci Associated Press Avec ce décret, le président Trump offre un appui politique majeur au projet de la pétrolière TransCanada.

Le président Donald Trump a ouvert la voie à une plus grande collaboration pétrolière entre les États-Unis et le Canada mardi en signant un décret qui permettra d’approuver rapidement la construction du pipeline Keystone XL. Une décision saluée par le premier ministre Justin Trudeau, qui a insisté sur l’importance des sables bitumineux pour l’économie du pays. Cette nouvelle route d’exportation du pétrole albertain devrait aussi réduire la pression en ce qui concerne le pipeline Énergie Est.
 

Le nouvel homme fort de Washington n’a pas perdu de temps pour afficher ses couleurs présidentielles. À peine arrivé à la Maison-Blanche, il vient d’offrir un appui politique majeur au projet de TransCanada. Donald Trump a toutefois dit que le feu vert irait de pair avec une négociation avec la pétrolière sur les retombées du projet pour l’économie américaine.
 

Ce soutien à la construction du pipeline transfrontalier constitue un autre changement de cap majeur du gouvernement américain. L’ancien président Barack Obama avait en effet rejeté le projet en 2015, jugeant notamment qu’il n’améliorait pas la « sécurité énergétique » du pays et qu’il nuirait aux efforts de lutte contre les changements climatiques. TransCanada a alors répliqué en déposant une poursuite contre le gouvernement américain, lui réclamant au passage 15 milliards de dollars.
 

Il faut dire que le lobby pétrolier plaide depuis des années en faveur de Keystone XL. Ce pipeline doit permettre de transporter quotidiennement 830 000 barils de pétrole jusqu’aux raffineries du Texas, soit 292 millions de barils par année. Un nouveau tronçon de pipeline de près de 2000 km de long devrait pour cela être construit entre l’Alberta et le Nebraska, où il serait raccordé à une autre conduite transportant le pétrole vers les raffineries du golfe du Mexique.

 

Le revirement politique confirmé mardi au sud de la frontière a suscité l’enthousiasme au sein du gouvernement de Justin Trudeau. Il faut dire que les libéraux avaient déjà manifesté leur appui à ce pipeline, dont la portion canadienne a été approuvée sous le règne de Stephen Harper.
 

Dans le cadre d’un point de presse à Calgary, le premier ministre a ainsi répété qu’il est « en faveur » de la construction de Keystone XL, un projet qui permettra selon lui de créer des emplois en Alberta. Il a aussi dit qu’il en avait discuté à deux reprises avec Donald Trump. « J’ai toujours défendu l’importance de continuer à développer nos ressources de carburants fossiles tout en sachant que notre pays, notre planète, se doit de faire une transition au-delà de cette dépendance [aux énergies fossiles] », a ajouté M. Trudeau.
 

La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a elle aussi salué le geste de M. Trump, y voyant une occasion de collaborer plus étroitement avec Washington. « En matière d’énergie, d’oléoducs, c’est vraiment un enjeu sur lequel nous pouvons travailler ensemble de façon très efficace avec le nouveau gouvernement. »
 

Tout indique en effet que la table est mise pour une relation plus étroite dans le secteur pétrolier entre le Canada et les États-Unis. Professeur au Département de science économique de l’Université d’Ottawa, Jean-Thomas Bernard a rappelé mardi que le brut en provenance du Canada représente déjà près de 40 % des importations quotidiennes de pétrole aux États-Unis, soit environ 3,7 millions de barils.
 

Qui plus est, Donald Trump a annoncé vendredi, dans le cadre de la publication des grandes lignes de sa politique énergétique, qu’il voulait devenir « indépendant » des importations provenant des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, qui comptent toujours pour 30 % des importations américaines.
 

Dans ce contexte, M. Bernard estime que l’industrie pétrolière canadienne pourrait se tourner plus que jamais vers le marché américain. Après l’approbation par Ottawa du remplacement de la Ligne 3 d’Enbridge, le pipeline Keystone XL sera le deuxième projet d’expansion des exportations vers les États-Unis à être approuvé en seulement quelques semaines. Ces deux pipelines transporteront un total de 1,6 million de barils de brut chaque jour.

 

Énergie Est
 

Jean-Thomas Bernard juge en outre que la construction de Keystone XL donnera « un sérieux coup de main » au gouvernement, sous pression pour approuver des projets de pipeline au pays, projets qui suscitent de vives controverses et qui font face à des recours juridiques. « Keystone XL, qui est le projet privilégié par l’industrie, règle en partie la question du manque de capacité de transport », selon le professeur Bernard.
 

M. Bernard se dit par ailleurs convaincu que, s’il se concrétise, le projet de TransCanada devrait « relâcher de la pression » sur celui du pipeline Énergie Est, « puisqu’il comblera le besoin d’exporter du brut vers le sud des États-Unis ». C’est un des principaux objectifs d’Énergie Est.
 

Mais pour Annie Chaloux, professeure à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, Keystone XL « ne règle pas la question de la cohérence entre les politiques climatiques et les politiques énergétiques au Canada ».
 

« Le frein au projet Keystone XL imposé par Barack Obama déplaisait peut-être au gouvernement canadien, mais il nous permettait de respecter plus facilement nos engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, a expliqué mardi la spécialiste des négociations climatiques. Avec le feu vert de Trump, on devrait faciliter la croissance de la production des sables bitumineux. Et tant qu’on va produire du pétrole et qu’on va augmenter notre production, le Canada va continuer d’augmenter ses émissions de gaz à effet de serre. »

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