Pipeline 9B: Enbridge forcée d'effectuer trois fois des travaux en moins d'un an

Une pelle mécanique et des ouvriers étaient à l’œuvre jeudi, pour mettre à découvert une portion du pipeline, qui s’y trouve enfoui depuis 1975.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Une pelle mécanique et des ouvriers étaient à l’œuvre jeudi, pour mettre à découvert une portion du pipeline, qui s’y trouve enfoui depuis 1975.

La compagnie pétrolière Enbridge a été forcée de mener des travaux d’excavation sur son pipeline 9B à au moins trois reprises, moins d’un an après le début des livraisons de pétrole de l’Ouest canadien à Montréal, a appris Le Devoir. Elle vient d’ailleurs de commencer une nouvelle opération de réparation sur son pipeline qui traverse des secteurs résidentiels et dont l’exploitation a été approuvée par l’Office national de l’énergie.

Selon ce qu’a pu constater Le Devoir en se rendant sur place, la multinationale a entrepris des travaux d’excavation à Sainte-Anne-des-Plaines, au nord de Montréal. Des travailleurs et une pelle mécanique s’affairaient jeudi dernier à dégager complètement le pipeline enfoui sous terre en 1975, et qui se trouve à cet endroit sur le terrain du pénitencier de Sainte-Anne-des-Plaines.

Non loin de là, d’autres travaux d’excavation ont également été menés au cours des derniers jours, sur le territoire de la municipalité de Mirabel. Dans les deux cas, les travaux menés sur le tuyau qui transporte chaque jour 270 000 barils de pétrole brut sont réalisés en zone agricole.

Appelé à préciser la nature des travaux, le porte-parole d’Enbridge, Éric Prud’Homme a répondu que ceux-ci font partie de l’« entretien régulier » de la ligne 9B. Ces « inspections visuelles ou directes de pipelines » sont désignées comme étant des « excavations relatives à l’intégrité », a-t-il précisé. Aucun déversement n’a eu lieu à cet endroit, a assuré l’entreprise.

« Le programme d’inspection et de surveillance régulier d’Enbridge nous alerte sur des caractéristiques du pipeline qui peuvent nécessiter une attention particulière dans notre programme de maintenance proactive et préventive, afin d’assurer la constance de la qualité, de la sécurité et de l’intégrité continue du pipeline », a également souligné M. Prud’Homme, dans une réponse transmise par courriel.

 

 

Défauts

L’Office national de l’énergie (ONE) a pour sa part indiqué, également par écrit, que « les travaux d’excavation cités font partie du programme de maintenance normal d’Enbridge. Il n’y a aucune situation anormale à signaler ». L’organisme fédéral n’a cependant pas précisé au Devoir si l’entreprise est tenue de l’informer de tous les travaux menés sur ce pipeline de 640 kilomètres, invitant à contacter l’entreprise « pour plus de détails ».

Dans une note technique détaillant la nature des travaux publiée en anglais sur le site de l’ONE, Enbridge précise toutefois davantage la nature des travaux entrepris. Elle souligne ainsi qu’elle compte mener d’abord une « évaluation » des résultats d’une « inspection interne » du pipeline. Par la suite, l’entreprise réalisera « la réparation appropriée », par exemple sur le revêtement de la canalisation ou la pose d’une gaine.

Selon ce qu’indique également la pétrolière albertaine, ces inspections internes du pipeline sont menées pour recenser des « défauts », comme de la « corrosion », des « déformations » ou encore des « fissures ». Selon le calendrier des travaux, Enbridge prévoit que le tout sera terminé d’ici le 31 mars 2017.

Enbridge a par ailleurs embauché deux « lobbyistes-conseils », notamment en lien avec des demandes de permis en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement et de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. Leurs mandats, qui évoquent aussi des travaux dans des « cours d’eau », mentionnent les territoires de la MRC de Vaudreuil-Soulanges, de Mirabel, de Sainte-Justine-de-Newton, de Rigaud et de Sainte-Anne-des-Plaines.

Inspections et travaux

 

Selon les informations compilées par Le Devoir, c’est au moins la troisième fois cette année qu’Enbridge doit mener des travaux d’excavation afin de vérifier l’intégrité du pipeline, qui alimente en bonne partie la raffinerie de Suncor à Montréal, en plus de fournir du brut à celle de Valero, située à Lévis.

Au printemps dernier, l’entreprise avait ainsi mené des travaux sur le territoire de Terrebonne. À l’époque, elle avait indiqué au Devoir qu’elle devait « procéder à un examen approfondi de la conduite afin de compléter l’entretien ou les réparations requises, le cas échéant ». « En bref, ceci fait partie des travaux d’entretien en continu de nos installations, tel un pont, une autoroute ou une tour de bureaux », avait alors illustré M. Prud’Homme.

D’autres travaux ont en outre été menés sur le territoire de Mirabel dans le courant de l’été dernier. Comme pour ceux de Terrebonne et de Sainte-Anne-des-Plaines, Enbridge a répondu qu’il s’agissait de mesures inscrites dans l’« entretien » du pipeline 9B, vieux de 41 ans.

La compagnie pétrolière a alors aussi précisé qu’elle avait mené « plusieurs inspections » du tuyau en 2014 et 2015. Ces inspections ont toutefois été menées avant le début des livraisons de pétrole brut dans l’est de Montréal. Le pipeline était donc inutilisé.

En juin 2015, l’ONE avait d’ailleurs exigé la tenue de tests « hydrostatiques », qui consistent à injecter de l’eau dans le pipeline afin d’évaluer de possibles problèmes d’étanchéité. Ceux-ci ont été exigés seulement pour trois tronçons du tuyau, dont un situé à Mirabel.

L’ONE satisfait

L’essentiel de la portion québécoise de l’oléoduc a toutefois été exclu des tests exigés. Cela comprenait les municipalités de Terrebonne, de Laval et de Montréal-Est. Dans ces secteurs, le pipeline passe littéralement dans la cour de plusieurs résidences, près d’écoles primaires ou encore directement dans la cour d’un Centre de la petite enfance (CPE). Il traverse aussi la rivière des Mille-Îles et la rivière des Prairies.

Pourquoi avoir exclu plusieurs portions de ce pipeline ? À la lecture des « rapports d’intégrité » produits par Enbridge, « nous sommes satisfaits de ce qu’Enbridge a fait, avait souligné la vice-présidente de l’ONE, Lyne Mercier. Ils sont allés au-delà de ce qui était nécessaire de faire pour assurer la sécurité ». Mme Mercier est une des trois commissaires de l’ONE qui dirigeaient l’examen d’Énergie Est et qui ont dû se récuser.

L’ONE, qui a conclu en 2015 qu’Enbridge exploite ses pipelines « de façon sécuritaire », a par la suite autorisé le début du transport de brut à l’automne 2015. L’Office avait précisé à ce moment qu’il n’avait « aucune autre exigence à formuler avant qu’Enbridge commence à exploiter la canalisation ».

Les livraisons ont débuté à la fin de l’automne. Depuis, des pétroliers font la navette régulièrement sur le fleuve Saint-Laurent, entre l’est de Montréal et la raffinerie de Valero. Si tout se passe bien pour Enbridge, la pétrolière pourra faire passer le débit quotidien de 270 000 à 300 000 barils d’ici un peu plus d’un an.



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