L’Ontario serre la vis à l’industrie de l’embouteillage d’eau

Nestlé souhaite faire de la source de Middlebrook une occasion « de croissance commerciale » et une réserve pour son usine d’Aberfoyle, située à proximité. 
Photo: Gabriel Bouys Agence France-Presse Nestlé souhaite faire de la source de Middlebrook une occasion « de croissance commerciale » et une réserve pour son usine d’Aberfoyle, située à proximité. 

Après des mois d’âpres débats soulevés par l’achat de sources d’eaux souterraines notamment par le géant de l’alimentation Nestlé, l’Ontario a sonné la fin de la récréation lundi en resserrant les critères d’obtention des permis et en imposant un moratoire de deux ans sur le déploiement de toute nouvelle usine d’embouteillage.

La décision, annoncée par le ministère de l’Environnement et des changements climatiques de l’Ontario, a été accueillie comme une victoire par les organismes environnementaux qui tentent depuis des années de sensibiliser le public aux dangers de l’exploitation commerciale des sources d’eaux souterraines de la province.

 

Nouvelles règles du jeu

Les nouvelles règles prévoient que des études scientifiques plus sévères seront exigées avant d’octroyer ou de renouveler un permis pour pomper l’eau et que la croissance prévue de la population, les changements climatiques, des périodes de sécheresse et l’impact prévu sur les générations futures seront pris en compte. Au surplus, les permis devront être renouvelés tous les cinq ans plutôt que tous les dix ans.

« Pour nous, l’impact sur les générations futures, c’est ce qui est le plus important. C’est le pilier des nouvelles règles et cela a toujours été notre argument pour dénoncer l’octroi de ces permis », a fait valoir Mike Nagi, président du conseil d’administration de Wellington Water Watchers, un organisme qui milite contre la commercialisation des eaux souterraines.

Selon ce dernier, ces nouvelles règles, si elles sont adoptées par le Parlement ontarien, mettront en échec les plans d’exploitation d’une source par Nestlé à Middlebrook et rendront très difficile l’octroi de nouveaux permis pour des géants de l’industrie de l’embouteillage. « Les permis actuels ne répondent certainement pas à ces exigences et tous les permis devront être renouvelés en vertu des nouvelles règles », a-t-il insisté.

Cette nouvelle fait suite au tollé soulevé ces dernières semaines par l’achat sans condition de la source d’eau souterraine de Middlebrook dans le comté de Wellington remportée haut la main par la filiale canadienne de Nestlé, au détriment d’une offre faite par la municipalité de Centre Wellington. Confrontée à une période de sécheresse, la petite ville située à 100 km à l’ouest de Toronto souhaitait s’y approvisionner pour desservir sa population en pleine croissance.

Mais Nestlé souhaite plutôt faire de la source de Middlebrook une occasion « de croissance commerciale » et une réserve pour son usine d’Aberfoyle, située à proximité. À Aberfoyle, Nestlé prélève déjà 3,6 millions de litres d’eau par jour, mais son permis, expiré, fait présentement l’objet d’une révision par la province. Nestlé détient aussi un permis pour extraire 1,1 million de litres d’eau à Erin, une autre communauté de la région de Guelph-Wellington.

Une nouvelle donne

 

Selon Wellington Water Watchers, les nouvelles règles envisagées par la province viennent changer totalement la donne. Elles pourraient non seulement bloquer le déploiement de toute exploitation à Middlebrook, mais aussi remettre en question les autres permis de la filiale suisse. « Personne n’a le droit de puiser les eaux souterraines, il s’agit d’un privilège que le gouvernement, au moyen de permis, peut révoquer en tout temps », insiste Mike Nagi.

La province n’exclut pas de revoir dans la foulée les « frais d’administration de l’eau » exigés des embouteilleurs, un sujet qui vient ajouter aux irritants. À l’heure actuelle, l’Ontario exige 3,71 $ par million de litres puisés, comparativement à 2,50 $ par million de litres en Colombie-Britannique et 70 $ au Québec.

Le public aura jusqu’au 1er décembre pour commenter ces nouvelles normes, qu’on souhaite adopter au début de 2017.

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