Pétrolia souhaite «stimuler» ses puits de pétrole

Après avoir répété à plusieurs reprises que son projet pétrolier sur le territoire de Gaspé ne nécessiterait pas de fracturation, Pétrolia compte maintenant élaborer un « programme de stimulation » pour ses puits situés près de zones habitées. La Ville de Gaspé s’oppose à ces opérations jugées similaires à la fracturation et réclame une évaluation environnementale du projet. Mais le gouvernement Couillard fait la sourde oreille.
Par la voie d’un simple communiqué, Pétrolia a fait valoir vendredi dernier que son test de production mené sur le puits Haldimand 4 depuis le mois de mai a permis de confirmer « l’existence d’un réservoir pétrolier fonctionnel », donc potentiellement exploitable. L’entreprise a d’ailleurs pu extraire 1200 barils de pétrole léger de ce puits, foré à 300 mètres d’un secteur résidentiel.
Pétrolia a donc franchi une étape importante en vue de ce qui pourrait devenir la première exploitation commerciale de pétrole de l’histoire du Québec. Mais compte tenu des particularités du sous-sol de ce secteur de la péninsule gaspésienne, l’entreprise et son partenaire Québénergie doivent élaborer « un programme de stimulation qui permettrait de procéder à une mise en production optimale du gisement Haldimand ».
Que signifie concrètement cette « stimulation » ? « Presque tous les puits de forage nécessitent une stimulation à un moment donné dans leur cycle de vie, a fait valoir mercredi le directeur des affaires publiques et gouvernementales de Pétrolia, Jean-François Belleau. C’est une pratique courante. Il existe plusieurs types de stimulations, telles que la perforation, le nettoyage du trou de forage en faisant circuler un gaz inerte, et même l’installation d’une pompe. »
Le projet de loi 106 sur les hydrocarbures, qui doit être adopté sous peu, prévoit pour sa part que les opérations de fracturation seront permises au Québec. Le document ne mentionne toutefois jamais le terme « fracturation », très controversé. Le gouvernement Couillard parle plutôt de « stimulation physique, chimique ou autre ».
Gaspé s’oppose
Pour le maire de Gaspé, Daniel Côté, le choix des mots ne change rien à la réalité. « Pour nous, la “ stimulation ” s’apparente énormément à la fracturation, a-t-il expliqué au Devoir. Les règlements gouvernementaux indiquent que la stimulation sert à ouvrir des fractures naturelles, alors que la fracturation vise à créer de nouvelles fractures. Ça se ressemble donc beaucoup. »
Or, la Ville s’oppose depuis 2011 au recours à la fracturation ou à des opérations similaires en territoire urbanisé. Une opposition réitérée mardi soir par le conseil municipal. « Le secteur Haldimand n’est pas un terrain de jeu pour faire de la fracturation ou de la stimulation. Le conseil municipal est unanime à ce sujet. Ce sont des opérations controversées et Gaspé ne doit pas devenir un cobaye », a laissé tomber M. Côté.
Le maire a aussi souligné que si la population est « divisée » par rapport au projet de Pétrolia, « elle s’oppose très majoritairement » à la fracturation en territoire habité. Et même si Pétrolia affirme sur son site Web que le projet Haldimand est situé « en périphérie de la ville » et « en forêt », Daniel Côté a rappelé que le puits no 4 est situé à seulement 300 mètres d’un secteur résidentiel, et à deux kilomètres du centre-ville.
Aux prises malgré elle avec le projet pétrolier, la Ville a réclamé à plusieurs reprises une évaluation environnementale. « Si on veut obtenir toutes les informations nécessaires, il faudra bien un jour que le BAPE se penche sur le projet, estime le maire. Je ne veux pas que l’entreprise nous explique en quoi consiste la “ stimulation ”. Je veux qu’on puisse obtenir des explications d’experts indépendants. C’est ce qu’on demande depuis 16 mois. »
Silence à Québec
Malgré les demandes répétées de Gaspé, le gouvernement Couillard n’a jamais accepté de mandater le BAPE pour qu’il étudie ce premier projet pétrolier qui s’implanterait en milieu habité. Et s’il se montre très réticent à l’idée d’exploiter le pétrole de l’île d’Anticosti, le premier ministre a dit à plusieurs reprises qu’il souhaitait permettre l’exploitation en territoire gaspésien. Québec, qui est le premier actionnaire de Pétrolia, soutient d’ailleurs financièrement des projets de recherche d’énergies fossiles dans la région.
Pétrolia peut donc poursuivre son projet Haldimand, qui pourrait aussi mener à des opérations de « stimulation » sur deux puits forés respectivement en 2005 et 2009 dans le même secteur. Sur un de ces puits, nommé Haldimand 1, Pétrolia avait mené en 2011 des « tests d’injectivité » qui servaient à « casser » la roche en profondeur. Mais l’entreprise avait alors refusé de parler de fracturation. « Dans les faits, ces essais d’injectivité visaient à déterminer le niveau de pression auquel la roche se fracture », avait-on précisé dans une lettre publiée dans un journal de la région de Gaspé.
L’entreprise n’est pas en mesure de dire quand pourraient avoir lieu les travaux de stimulation en vue d’une éventuelle mise en production. « Il est trop tôt actuellement pour déterminer un calendrier pour ces opérations », a précisé M. Belleau par courriel.
Selon les évaluations actuelles, le secteur de Haldimand pourrait contenir 7,7 millions de barils de pétrole. Cela équivaut à 22 jours de consommation de pétrole au Québec, au niveau actuel de consommation de pétrole.