Des résidants demandent une injonction

Des résidants de la ville de Malartic, en Abitibi, se tournent vers les tribunaux afin que la minière Canadian Malartic respecte immédiatement les normes qui lui ont été imposées en matière d’exploitation de roche et de bruit.
Dans une demande d’injonction, les citoyens Benjamin Gagnon-Lamothe et Dave Lemire allèguent que la minière a commis plus de 3500 infractions aux normes depuis la mise en exploitation de sa mine d’or, en 2011. Entre les mois de juillet 2015 et de février 2016 seulement, 366 dépassements de bruit ont été constatés et ont fait l’objet d’avis de non-conformité, lit-on dans le document judiciaire.
Exaspérés, MM. Gagnon-Lamothe et Lemire demandent aux tribunaux de sévir, dans l’espoir de retrouver la qualité de vie qu’ils ont perdue depuis que Canadian Malartic mène des travaux, sans arrêt, dans un secteur situé à moins de 300 mètres de leur résidence respective. Leur demande est appuyée par le Comité de citoyens de la zone de la voie ferrée de Malartic (CCZSVFM), lequel englobe 700 foyers et 1400 personnes, tous situés à moins de 800 mètres de la mine.
« Grondement des machines et des camions, l’usine qui scille toute la nuit, les foreuses qui vrillent et qui frappent, les roches qui tombent dans les bennes de camions ; plusieurs citoyens sont directement affectés. Troubles de sommeil, insomnie, réveils en sursaut, stress, les enfants qui dorment mal… Il faut que ça cesse », a résumé le porte-parole de CCZSVFM, Louis Trottier, dans le communiqué accompagnant l’annonce de la demande d’injonction. « Le vivre une journée est une chose, mais le vivre en permanence, 24 heures sur 24 heures, 365 jours sur 365, pendant des années, en est une autre », a-t-il ajouté.
C’est l’usure du temps qui semble avoir motivé cette action en justice, a constaté l’un des avocats qui pilote la requête, Philippe Trudel. « Le bruit est relativement stable depuis des années, mais l’exaspération des citoyens est à son comble. Malgré d’innombrables avis d’infraction, il n’y a rien qui change », a-t-il déclaré au Devoir.
La demande d’injonction tente aussi d’illustrer que Canadian Malartic n’a pas respecté les limites d’exploitation de 120 000 tonnes de roche par jour qui lui ont été imposées au moment de lancer le projet. En 2014 et 2015, les taux d’exploitation ont atteint près de 170 000 tonnes par jour, notent les demandeurs. Or voilà que Canadian Malartic souhaite s’agrandir vers le nord et demande au gouvernement du Québec de lui octroyer un permis qui lui permettrait d’exploiter 220 000 tonnes de roche par jour. « Ça n’a aucun sens, avec un taux d’extraction aussi élevé, comment peut-on prétendre que les lois et les normes seront respectées à l’avenir si elles ne le sont pas présentement ? », s’est inquiété Louis Trottier.
Le dossier de l’agrandissement risque lui aussi de se retrouver devant les tribunaux. Au début du mois d’août, le CCZSVFM a déposé une demande d’action collective exigeant des compensations de 70 millions de dollars pour les nombreux inconvénients subis par les citoyens voisins de la mine à ciel ouvert. Jusqu’ici, la minière a limité ses offres à 40 millions de dollars pour les dérangements, rétroactivement pour les trois dernières années.
« Ce sont deux dossiers différents, a cependant insisté Me Trudel. Si on peut alléger les nuisances, à court terme, ce sera important pour les citoyens. Mais ça ne mettra pas fin au recours [à l’action collective]. »
Rôle du ministère
À plusieurs reprises, la demande rappelle les nombreux constats d’infraction remis par le ministère de l’Environnement à Canadian Malartic, qui a néanmoins continué à dépasser les normes lui étant imposées. « On ne peut pas payer l’amende et continuer les nuisances », s’est insurgé Me Trudel. À son avis, l’appétit pour le profit de la minière guide ses agissements et cette dernière est tellement rentable qu’elle peut se permettre de payer les multiples constats d’infraction. « Étant donné les revenus qu’elle tire de l’industrie minière, est-ce que [les amendes] ne deviennent pas un permis de polluer ? », a-t-il demandé.
La première demande d’injonction, dite interlocutoire, demande que Canadian Malartic respecte immédiatement les normes de bruit et d’exploitation de roche. Une seconde demande, permanente celle-là, exige que la minière se plie à l’ensemble des normes qui lui ont été imposées.
« On est à prendre compte du document, donc on ne réagira pas pour l’instant », a déclaré la porte-parole de Canadian Malartic, Marie-Pier Beaucage.