Les voisins de la mine se tournent vers les tribunaux

Insatisfait des offres faites jusqu’ici par la minière Canadian Malartic, le Comité de citoyens de la zone sud de la voie ferrée de Malartic s’adresse au tribunal. Dans une demande d’action collective déposée lundi, le comité demande des compensations de l’ordre de 70 millions de dollars pour les nombreux inconvénients vécus par les citoyens voisins de la mine à ciel ouvert.
« On ne se bat pas pour l’argent, on se bat pour la santé, tient à préciser Louis Trottier, porte-parole du Comité de citoyens de la zone sud de la voie ferrée de Malartic (CCZSVFM). Je voulais finir mes jours ici, je suis bien dans ma ville, j’ai investi beaucoup d’argent sur mon terrain. »
Ceux qui vivent à moins de 800 mètres de la mine jugent que l’offre de compensation que leur a été présentée Canadian Malartic dans le cadre du projet d’élargissement de la mine d’or abitibienne est trop peu généreuse. Le plan issu de plusieurs séances de négociations présenté en mai dernier offre jusqu’à 40 millions de dollars pour les dérangements, rétroactifs aux trois dernières années.
Au lieu de favoriser la cohabitation, l’option juridique privilégiée par les représentants du CCZSVFM encourage le débat et l’affrontement
La poursuite exige plutôt 28 000 $ par personne pour l’ensemble des problèmes endurés depuis 2013, en plus de 9000 $ par année à partir de maintenant et jusqu’à la décision définitive du juge. Vingt millions de dollars sont aussi réclamés en tant que « dommages exemplaires » pour atteinte au droit à un environnement de qualité des citoyens. En tout, les sommes réclamées pourraient atteindre les 70 millions de dollars pour la mine, estime la poursuite. Selon l’avocate au dossier, Me Anne-Julie Asselin, les procédures pourraient s’étaler sur plusieurs années.
Advenant que Canadian Malartic procède à son agrandissement, les activités industrielles se poursuivront jusqu’en 2028, soit six ans de plus que ce qui était initialement prévu. « Nous sommes prêts à arrêter l’action collective si la mine est prête à négocier », avance toutefois M. Trottier, qui laisse la porte ouverte à un règlement à l’amiable.
Dans un courriel, les représentants de la mine Canadian Malartic ont indiqué au Devoir être « tristes et déçus, mais pas surpris » par la demande d’action collective. « Malheureusement, au lieu de favoriser la cohabitation, l’option juridique privilégiée par les représentants du CCZSVFM encourage le débat et l’affrontement », souligne-t-on.
Un voisin dérangeant
La ville de Malartic est divisée en deux parties par une voie ferrée. Alors qu’au nord se trouve l’essentiel des habitations, en plus de l’hôpital et de l’école secondaire, la moitié sud est plutôt constituée d’un quartier résidentiel qui cohabite avec la plus grande mine à ciel ouvert exploitée en milieu habité au pays. Au bout du quartier a été érigé, il y a six ans, un monticule de terre qui sépare les habitations de la machinerie minière.
Les citoyens qui vivent dans ce quartier se plaignent des poussières émises par la mine d’or, située à quelques dizaines de mètres des premières maisons. Ils sont aussi incommodés par les vibrations des dynamitages quotidiens et par le bruit incessant, à toute heure du jour et de la nuit, provoqué par les camions et la machinerie. Les inconvénients ont été documentés dans une étude de l’Institut national de santé publique du Québec en 2015.
La mine a aussi commis plus de 4000 infractions aux normes de bon voisinage depuis 2011, prétend la poursuite. Qui plus est, Canadian Malartic souhaite maintenant s’agrandir vers le nord, ce qui signifie que le quartier pourrait être bordé par le vaste trou sur deux côtés.
En début d’année, le Comité de la zone sud de la voie ferrée a pris part à une table de travail sur la cohabitation entre la mine et les citoyens, à laquelle participait aussi la Ville de Malartic. Les représentants citoyens ont toutefois claqué la porte au bout de trois rencontres, insatisfaits des montants compensatoires offerts par Canadian Malartic.
Déménager
Louis Trottier argue que sa femme ne peut plus sortir dans le jardin, incommodée par la poussière grise qui recouvre parfois sa pelouse. « J’ai toujours un goût de fer dans la bouche », s’inquiète celui qui a vu la qualité de l’air de son voisinage se dégrader. « On ne veut pas passer pour des chialeurs. Certains me disent que c’est normal, dans la région, de vivre près d’une mine. Je leur dis : attention ! Il est question de notre santé ! »
Comme une partie de ses voisins, il voit maintenant l’option de quitter le quartier comme une nécessité si la mine ne change pas ses façons de faire.
1400 personnes concernées
Les résidents du sud de Malartic ont fait appel au cabinet d’avocats Trudel, Johnston Lespérance, qui se spécialise en environnement et en action collective. Me Anne-Julie Asselin, avocate au dossier, explique que la demande doit d’abord être validée par un juge. « Ensuite, toutes les personnes qui répondent aux critères seront automatiquement inscrites au recours, à moins qu’elles souhaitent s’en extraire. » Le secteur visé par la demande d’action collective est actuellement habité par 1400 personnes.
Canadian Malartic s’engage à mettre en oeuvre comme prévu le Guide de cohabitation, adopté en l’absence du Comité de citoyens de la zone sud de la voie ferrée de Malartic, à partir du 1er septembre prochain. Le document prévoit des compensations financières pour les résidents du quartier sud, dont les montants sont variables en fonction de la distance avec la mine.