Le règlement sur les toilettes à compost déçoit les fabricants

Il existe plusieurs modèles de toilettes à compost, qui ne requièrent en théorie pas de fosse septique.
Photo: Francis Vachon Le Devoir Il existe plusieurs modèles de toilettes à compost, qui ne requièrent en théorie pas de fosse septique.

La nouvelle réglementation du gouvernement du Québec pour légaliser les toilettes à compost s’attire les foudres de ceux-là mêmes qui la réclamaient. La réforme annoncée par le ministre du Développement durable au printemps est plus nuisible qu’autre chose, plaide-t-on.

Certains aspects de la réglementation sont carrément « inacceptables », plaide le groupe Terr-O-Nostra dans un mémoire présenté en juin au gouvernement.

Cet organisme à but non lucratif de la région de Portneuf réclamait pourtant à hauts cris que le gouvernement révise son vieux Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées. Ils espéraient que la loi favorise l’utilisation des toilettes à compost en milieu rural tout en favorisant l’économie d’eau (30 % par résidence, estime-t-on).

Dans cette région aux nombreux lacs, les résidants ragent de plus en plus contre le prix des fosses septiques et des champs d’épuration et sont de plus en plus ouverts à des solutions alternatives.

En avril, le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, David Heurtel, a annoncé une refonte du règlement, mais il ne va pas dans la bonne direction, déplore le porte-parole de Terr-O-Nostra, Richard Côté.

La majorité des toilettes à compost interdites

Les toilettes à compost n’utilisent pas d’eau, donc ne se déversent pas avec le reste des eaux usées d’une résidence. Ceci permet, selon les fabricants, de réutiliser les eaux domestiques (dites eaux grises) pour divers usages, par exemple arroser la pelouse, jardiner ou laver la voiture.

Or le nouveau règlement oblige les propriétaires à envoyer tout de même ces eaux grises dans un réservoir, comme on l’aurait fait pour les eaux usées contenant aussi l’eau des toilettes. Les eaux doivent ensuite être vidangées régulièrement par des camions avant d’être envoyées dans des sites autorisés.

« Ainsi, le Règlement annule complètement la bonne nouvelle en faveur du développement des toilettes à compost comme alternative écologique et économique », déplore dans un autre mémoire l’entreprise de Portneuf Aliksir, qui travaille sur un prototype de toilette à compost.

Pour justifier le traitement des eaux grises, le ministère affirme dans sa documentation que l’on peut « retrouver dans les eaux ménagères une concentration élevée de bactéries pathogènes et d’autres contaminants » et que cela peut représenter une « menace à la santé publique ».

La présidente d’Aliksir, Lucie Mainguy, soutient en plus que le règlement freine des projets comme le sien. Elle affirme que sur la trentaine de modèles de toilettes existants, seulement deux seraient légaux selon la définition prévue par Québec.

La nouvelle mouture du Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées permet les toilettes au compost, ce qui n’était pas précisé dans le règlement auparavant. Toutefois, elle oblige les utilisateurs à respecter une norme américaine que seulement deux fabricants remplissent. « L’effet concret est de limiter le développement de la toilette sèche comme solution alternative en annulant sa compétitivité commerciale », plaide Mme Mainguy dans le document.

De son côté, le ministère souligne que la norme est « reconnue » et qu’elle impose des exigences « minimales ».

Projet de recherche avec l’INRS

Le gouvernement s’était donné jusqu’au 19 juin pour recevoir les mémoires, ce qui suggère que l’adoption du règlement pourrait se faire à l’automne.

Selon M. Côté, il faut pousser l’analyse plus loin. Son groupe est d’ailleurs en pourparlers avec des chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique à Québec pour mener une étude sur deux ans afin de tester différentes technologies dans Portneuf. Une vingtaine de résidences seraient appelées à prendre part au projet. Il espère que cette étude « répondra aux inquiétudes » du ministère.

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