Une facture de plus de 600 millions pour TransCanada en cas de déversement majeur

En cas de déversement dans la rivière Etchemin, le Saint-Laurent pourrait être contaminé sur une distance de 200 kilomètres, ce qui toucherait l'île d'Orléans.
Photo: Alexandre Shields Le Devoir En cas de déversement dans la rivière Etchemin, le Saint-Laurent pourrait être contaminé sur une distance de 200 kilomètres, ce qui toucherait l'île d'Orléans.

TransCanada évalue que les coûts d’un déversement majeur provoqué par son futur pipeline dans une rivière du Québec pourraient atteindre 617 millions de dollars. Une facture deux fois moins élevée que celle résultant de la rupture d’un pipeline qui, en 2010 au Michigan, transportait quatre fois moins de pétrole qu’Énergie Est. Mais le montant ne tient pas compte des coûts pour les municipalités et le gouvernement.

Dans le cadre de la cinquième journée des audiences du BAPE sur le projet de pipeline d’exportation, la pétrolière a donné pour la première fois quelques précisions concernant ses estimations des coûts des travaux de nettoyage et de compensation liés à un déversement de grande ampleur.

En vertu du « pire » scénario modélisé pour la rivière Etchemin, dans la région de Lévis, TransCanada estime que 3,6 millions de litres de brut pourraient se déverser, et ainsi contaminer la rivière, puis le fleuve Saint-Laurent.

Si ce scénario, jugé peu probable par l’entreprise, devait se concrétiser, celle-ci estime que les coûts qu’elle devrait assumer atteindraient 617 millions $. Une première tranche de 203 millions serait due à la « gestion de l’incident » (37 millions), au confinement et à la récupération « du produit » (6 millions) et à la « protection de la faune » (4 millions). Fait à noter, TransCanada évalue que la « récupération du pétrole submergé coûterait 908 000$.

Saint-Laurent affecté

 

L’entreprise albertaine calcule que le traitement des rives coûterait environ 84,7 millions de dollars. Selon le scénario présenté au BAPE, en plus de contaminer la rivière Etchemin, un déversement majeur souillerait le fleuve Saint-Laurent sur une distance de plus de 200 kilomètres. Les prises d’eau de Québec et de Lévis seraient en outre directement menacées par une telle marée noire.

Selon une étude de Polytechnique et portant sur les risques d’une marée noire pour les rivières québécoises, tout déversement accidentel résultant d’un bris dans l’imposant pipeline pourrait avoir des impacts environnementaux majeurs et durables. Ainsi, « dans le contexte d’une traverse de rivière, il est considéré qu’un déversement accidentel de pétrole est impossible à totalement contenir et nettoyer. Le pétrole pourrait rapidement voyager sur plusieurs kilomètres en aval du bris ou de la rupture ».

« La situation est considérée comme étant encore plus préoccupante dans le cas de rivières à basse température, explique-t-on dans cette analyse produite pour le gouvernement du Québec. Dans ce cas, le pétrole peut perler, ce qui rend plus difficile sa séparation de l’eau et la récupération des toxines contenues dans le pétrole. Il en résulte une plus grande dispersion du pétrole. Une rivière peut alors transporter les contaminants sur une plus grande distance et ainsi affecter les berges et potentiellement se mélanger avec les aquifères souterrains. »

Le cas Kalamazoo

 

La pétrolière estime en outre que les études environnementales à mener à la suite du déversement, ainsi que les opérations de restauration lui coûteraient 109 millions de dollars. On prévoit enfin un montant de 305 millions pour compenser les « dommages aux tiers », dont les routes et les propriétés privées, en plus du besoin de fournir de l’eau aux citoyens affectés par le déversement.

L’analyse de TransCanada ne tient toutefois pas compte des coûts pour les municipalités qui seraient directement touchées. On ignore aussi quelle serait la facture pour l’État québécois. L’entreprise doit présenter des données plus précises la semaine prochaine dans le cadre des audiences du BAPE.

Chose certaine, les coûts estimés par la pétrolière pour son projet Énergie Est sont nettement moins élevés que ceux imputables au déversement provoqué par la rupture du pipeline 6B d’Enbridge, en 2010, qui a contaminé la rivière Kalamazoo, au Michigan.

Le déversement dans la rivière Kalamazoo a atteint 3,7 millions de litres, soit 23 000 barils. Ce déversement est similaire au scénario élaboré par TransCanada pour la rivière Etchemin, évalué à 22 800 barils. Or, dans le cas de la rivière Kalamazoo, le nettoyage a coûté plus d’un 1,2 milliard de dollars.

Au-delà des coûts directs et chiffrables, la Santé publique a insisté vendredi au BAPE sur les impacts psychologiques résultant de tels désastres. « C’est le principal problème pour la santé » dans le cas d’un incident comme un déversement, ont fait valoir des représentants de la Santé publique présents au BAPE. Ils ont ainsi cité le cas de la tragédie de Lac-Mégantic. Encore aujourd’hui, les deux tiers des citoyens souffrent de stress post-traumatique. Les troubles anxieux y sont aussi deux fois plus élevés qu’ailleurs en Estrie.



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