Le BAPE peut aller de l’avant
La Cour supérieure a rejeté vendredi la demande des groupes environnementaux qui souhaitaient stopper l’étude du BAPE...
En l’espace d’à peine quelques jours, le projet Énergie Est de TransCanada a connu des rebondissements juridiques majeurs. Et à travers les actions légales entreprises coup sur coup par des groupes environnementaux et le gouvernement Couillard, on comprend que ce pipeline controversé n’a visiblement pas été développé en respectant les lois du Québec.
En déposant finalement cette semaine une demande d’injonction contre la pétrolière albertaine, le ministre de l’Environnement David Heurtel a lui-même dit et redit que « quiconque veut faire un projet au Québec doit respecter l’ensemble de ses lois et de ses règlements ».
Or, TransCanada a toujours refusé de le faire. Le ministre a ainsi rappelé qu’il lui a demandé dès novembre 2014, par la voie d’une lettre officielle, de déposer un avis de projet, puis une étude d’impact pour son projet de pipeline. Selon les dispositions de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), en vigueur depuis 35 ans, ces deux étapes sont incontournables pour tout promoteur qui souhaite construire un pipeline de plus de deux kilomètres au Québec.
C’est d’ailleurs en s’appuyant sur les dispositions de la LQE que le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) a déposé récemment une requête dans le but de forcer l’entreprise à respecter la procédure à suivre. « Depuis 1980, tous les projets qui étaient assujettis au Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement ont été évalués par le BAPE dans le cadre d’une procédure complète, qui débute avec le dépôt d’un avis de projet », a d’ailleurs souligné l’avocat Jean Baril, dont le mémoire de maîtrise portait justement sur le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).
Or, au moment même où le ministre Heurtel déposait une injonction pour forcer TransCanada à respecter la LQE, il annonçait aussi que le BAPE déjà lancé, et dont les audiences doivent débuter lundi, était maintenu. Une décision qui a entraîné le dépôt d’une autre demande d’injonction, cette fois de la part du CQDE. L’organisme estime qu’en l’état actuel des choses, l’évaluation québécoisene respecte tout simplement pas laprocédure qui devrait être suivie, surtout que le ministre Heurtel affirme lui-même que l’entreprise ne respecte pas la législation québécoise.
Quant aux démarches du gouvernement, elles pourraient bien ne pas aboutir avant la tenue des audiences fédérales. Cela signifie que Québec n’aurait pas en main l’étude d’impact qu’il réclame au moment où il ira présenter la position de la province aux commissaires de l’Office national de l’énergie.
Si Québec, le CQDE et certains avocats spécialisés en droit environnemental jugent que le projet doit être soumis à la réglementation québécoise, ce n’est évidemment pas l’avis de TransCanada. Selon ce qu’a fait valoir son porte-parole, Tim Duboyce, à la suite de l’annonce du dépôt de l’injonction par le ministre Heurtel, « il existe un désaccord sur la procédure de l’évaluation des projets interprovinciaux ».
L’entreprise répète d’ailleurs ce qu’elle dit depuis le dépôt officiel de son projet, en mars 2014 : le pipeline Énergie Est est uniquement assujetti à la réglementation fédérale, qui passe par une étude de l’Office national de l’énergie. « Le projet Énergie Est, puisqu’il traverse six provinces, est sous autorité fédérale », disait alors le porte-parole québécois de la pétrolière, Philippe Cannon.
Une décision rendue le mois dernier par la Cour suprême de Colombie-Britannique souligne toutefois qu’un gouvernement provincial est compétent en matière d’évaluation environnementale des projets de pipelines réalisés à l’intérieur de ses frontières, et ce, même si le pipeline traverse le territoire de plus d’une province, comme ce serait le cas pour Énergie Est.
Paradoxalement, TransCanada avait accepté de suivre dans un premier temps la procédure prévue par la législation environnementale québécoise pour son projet de port pétrolier à Cacouna. L’entreprise avait en effet présenté un avis de projet dès mars 2014, avant de déposer une étude d’impact au gouvernement du Québec à l’automne 2014.
En même temps, la pétrolière n’avait pas demandé d’autorisation au gouvernement Couillard avant d’entreprendre des travaux de forage en plein coeur de la pouponnière de bélugas du Saint-Laurent, au printemps 2014. Il aura fallu que le Centre québécois du droit de l’environnement dépose une demande d’injonction pour que l’entreprise demande finalement une autorisation en vertu de la LQE.
Pour le directeur principal d’Équiterre, Steven Guilbeault, l’entreprise n’a qu’elle-même à blâmer si son projet de pipeline d’exportation se bute à des obstacles légaux. « Je suis très surpris de voir à quel point TransCanada semble n’avoir rien appris des leçons de Keystone XL. Ce qui se passe ici, c’est pourtant le reflet de ce qu’on a vu aux États-Unis. Ils se sont dit qu’ils avaient seulement besoin du permis présidentiel et que les États n’avaient pas leur mot à dire. Or, le projet a d’abord été bloqué au niveau des États. Et même s’ils obtenaient le permis présidentiel, je ne suis pas certain qu’ils arriveraient à faire passer le projet. »
L’expérience américaine a toutefois démontré que la multinationale ne ménage pas ses efforts devant les tribunaux pour faire accepter ses projets. TransCanada a annoncé en janvier qu’elle réclame plus de 15 milliards de dollars au gouvernement américain en raison du rejet de son projet de pipeline Keystone XL.
L’entreprise juge même que le président Barack Obama a outrepassé ses pouvoirs en refusant de donner le feu vert au projet d’exportation de pétrole des sables bitumineux.
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