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L’Alberta et le pétrole, au-delà du «Quebec bashing»
Au-delà des efforts de promotion de TransCanada en faveur d’Énergie Est, les attaques particulièrement virulentes en provenance de l’Ouest canadien n’ont pas tardé lorsque la Communauté métropolitaine de Montréal a rendu publique sa position sur le projet, position qui s’appuyait sur la première étude indépendante menée sur Énergie Est au Québec.
Le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, y est même allé de menaces à l’endroit du Québec lorsque le ministre David Heurtel a annoncé que le gouvernement souhaitait obliger TransCanada à respecter les lois environnementales de la province.
On ne peut pas parler d’énergie sans parler de la culture et de l’histoire liées aux questions d’énergie. Ce n’est pas seulement politique ou économique, c’est aussi social, mythique, identitaire.
En clair, avant même le début d’une étude du projet par le gouvernement provincial et avant le début de son évaluation par le fédéral, Québec doit dire oui à la construction d’un pipeline de 650 kilomètres sur son territoire, pipeline qui traversera des zones agricoles, des milieux naturels et pas moins de 800 cours d’eau.
Professeure à l’Université de Calgary, Dominique Perron ne se soucie pas outre mesure du Quebec bashing très médiatisé de certains politiciens de l’Ouest canadien. Auteure de L’Alberta autophage, un ouvrage qui traite de la relation très étroite entre cette province et les ressources pétrolières, elle souligne toutefois qu’il existe bel et bien un certain ressentiment par rapport au Québec.
« Il faut être à Calgary actuellement pour constater les dégâts, le chômage et les pertes d’emplois liés à la baisse des prix du pétrole, explique celle qui demeure dans cette province depuis 25 ans. Dans ce contexte, le pipeline Énergie Est prend une valeur symbolique encore plus forte parce que l’Alberta est aux abois. C’est pour cela qu’il y a du Quebec bashing. »
La culture pétrole
« Si on ne connaît pas l’histoire de l’Alberta, on peut se poser des questions sur les réactions [face au projet Énergie Est]. Mais ces réactions ne surgissent pas de nulle part. Elles sont le fruit d’une démarche historique et culturelle. Le champ économique et politique est totalement insuffisant pour comprendre les phénomènes liés à l’industrie pétrolière dans l’Ouest », insiste Mme Perron.
« On ne peut pas parler d’énergie sans parler de la culture et de l’histoire liées aux questions d’énergie. Ce n’est pas seulement politique ou économique, c’est aussi social, c’est aussi mythique, c’est aussi identitaire. » Dominique Perron dresse ainsi un parallèle entre le rôle joué en Alberta par l’industrie pétrolière et celui joué ici par Hydro-Québec. « Les Albertains ont connu une sorte de révolution tranquille dans les années 70, mais grâce au pétrole, comme Hydro est devenu un fleuron dans les années 60 au Québec. Les investissements psychologiques sont similaires. »
Mme Perron souligne par ailleurs que, s’il est de bon ton de présenter les joueurs du secteur pétrolier comme les « méchants », la réalité est plus nuancée que cela. « Il n’y a pas de perspectives manichéennes possibles par rapport au pétrole », insiste-t-elle.
« Le paradoxe du pipeline Énergie Est exprime les paradoxes globaux que nous avons par rapport à l’énergie, estime-t-elle. Si, demain matin, nous devions nous passer du pétrole, la civilisation telle que nous la connaissons s’effondrerait parce qu’elle est définie par cette source d’énergie. »
Sans oublier, répète Dominique Perron, que les Québécois ont des investissements majeurs en Alberta. Elle cite en exemple la Caisse de dépôt et placement qui détient des intérêts dans des joueurs majeurs du secteur des sables bitumineux, dont TransCanada, Enbridge et Suncor. Via sa branche immobilière, Ivanhoé Cambridge, elle possède en outre des actifs immobiliers importants dans cette province, notamment dans des centres commerciaux et des bureaux situés à Calgary et à Edmonton.
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Pas moins de 75 % du tracé du pipeline Énergie Est au Québec se trouve en zone agricole. Une situation qui suscite de...

TransCanada a toujours refusé de respecter les lois environnementales du Québec.

Le Québec a lui aussi des investissements importants dans cette province.

Sans Énergie Est, l’industrie des sables bitumineux ne pourra poursuivre sa croissance.