Au sanctuaire de l’innovation

Innovation exposée au Bourget, en marge de la COP21. Ces « arbres à vent » sont en fait des systèmes éoliens où chaque feuille est une miniturbine transformant l’énergie cinétique du vent en énergie mécanique.
Photo: Loïc Venance Agence France-Presse Innovation exposée au Bourget, en marge de la COP21. Ces « arbres à vent » sont en fait des systèmes éoliens où chaque feuille est une miniturbine transformant l’énergie cinétique du vent en énergie mécanique.

Sur la balance, il y a d’un côté des pesées empilées qui représentent les émissions de gaz carbonique dans le monde, et de l’autre une série de crochets où sont suspendus des bouteilles d’essence, des boîtes de conserve, des oeufs, des clefs de voiture et une tranche de jambon. Plus on s’éloigne de l’axe central, plus l’objet consommé produit de gaz carbonique. Plus il faut de pesées pour rétablir l’équilibre. Tout au bout, on trouve évidemment de l’essence, mais aussi des hamburgers.

Une vraie hantise ces hamburgers, dit Nicolas Roux-Fouillet du cabinet-conseil Chorege. L’élevage d’un boeuf, qui produit énormément de CO2, exige au moins trois ans alors que celui d’un porc ne prend que huit mois. Vive le jambon beurre ! Chorège est un cabinet qui ne fabrique pas que des balances, mais qui offre aux entreprises de mieux répartir leurs énergies afin de produire moins de CO2. Elle a d’ailleurs travaillé pour les autocars Prévost, une division de Volvo qui possède une usine à Sainte-Claire dans Bellechasse.

Elle fait partie des 200 entreprises dites « innovantes » qui s’exposent sur plus de 10 000 mètres carrés à la COP21. À 500 mètres de l’espace « génération climat » consacré à la société civile et aux groupes environnementaux, c’est une sorte de grand salon de l’entreprise écologique. Parmi celles-ci, de microentreprises, dont une quinzaine de la Seine–Saint-Denis, côtoient de grands groupes mondiaux comme General Electric.

De l’électrique à l’hybride

Parmi les premières, on trouve une entreprise 100 % française malgré son nom, EP Tender. Ce constructeur de Poissy, près de Paris, fabrique des groupes électrogènes embarqués sur des miniremorques qui, une fois arrimées à votre voiture électrique, la transforment en voiture hybride. Vous pouvez ainsi utiliser votre voiture électrique en semaine pour aller au travail et, le week-end, la transformer en hybride pour faire 700 ou 1000 km. Le projet, subventionné par la région Île-de-France, est de mettre ces miniremorques en location le long des autoroutes. On pourra ainsi, en quelques minutes, en louer une à Lyon et la laisser à Montpellier quelques heures plus tard.

Les concepteurs rêvent d’exporter leur idée en Amérique du Nord. Pour cela, en 2017, ils songent à organiser un grand rallye en « Tender » entre Los Angeles et Montréal où se tiendra le 29e Symposium des véhicules électriques. Dès janvier 2016, une soixantaine de ces prototypes seront utilisés à Rouen notamment par Électricité Réseau Distribution France (l’ancienne EDF). L’entreprise n’a, pour l’instant, qu’un concurrent, l’allemand Nomadic Power.

Ces entreprises ne rempliront probablement pas leur carnet de commandes à la COP21. Mais elles se feront des contacts dans le monde entier. Plusieurs d’entre elles ont été récompensées par un Trophée des solutions climat. L’une d’elles, la société Colas, a créé le premier revêtement routier photovoltaïque. Ses dalles sur lesquelles peuvent circuler des poids lourds captent l’énergie solaire et produisent, oui, de l’électricité !

Communication ou prise de conscience ?

Alors que les organisateurs ont voulu donner une saveur entrepreneuriale à cette grande messe écologique, les entreprises ne sont pourtant guère en odeur de sainteté du côté des organismes de pression nettement plus présents au Bourget que les gens d’affaires. Plusieurs ont dénoncé les grandes entreprises qui commanditent l’événement. ERDF s’est même vu décerner un prix « greenwashing » par les Amis de la Terre. Et cela même si les 78 réacteurs nucléaires qu’elle possède dans le monde, dont 58 en France, ne produisent pas un seul kilo de gaz carbonique.

La France est d’ailleurs considérée aujourd’hui comme le quatrième marché le plus dynamique au monde pour la voiture électrique après la Chine, le Japon et les États-Unis. Le parc de voitures électriques en circulation dans l’Hexagone dépassera bientôt celui de la Norvège, considérée comme le champion du secteur. Dix pour cent des voitures électriques vendues dans le monde sont dorénavant immatriculées en France, selon le magazine économique Challenge. D’ici 2017, il devrait y avoir une borne tous les 50 kilomètres le long de toutes les grandes autoroutes françaises.

Est-ce pour faire oublier cette mauvaise publicité que, depuis le début de la COP21, les entreprises multiplient les professions de foi ? Mardi, 115 entreprises membres de Caring for Climate se sont engagées à réduire leurs émissions et à en rendre compte dans leur rapport annuel. Simple communication ou réelle prise de conscience ?

L’observatoire des multinationales a passé en revue les engagements des commanditaires de la COP pour conclure qu’aucun n’était exemplaire, notamment en matière de transparence. Mardi, Greenpeace a même dévoilé comment elle avait piégé plusieurs universitaires américains en se faisant passer pour les représentants de multinationales prêtes à payer secrètement les chercheurs afin qu’ils publient des études favorables au gaz et au pétrole dans des revues universitaires. Plusieurs ont mordu à l’hameçon. Pas de quoi réconcilier les écolos et la grande entreprise.



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