Les géants des pesticides sont «plus puissants» que l’État, dit Pierre Paradis

Le gouvernement Couillard s’est dit préoccupé jeudi par la croissance significative de l’utilisation de pesticides réputés toxiques au Québec. Il promet d’ailleurs d’agir, tout en reconnaissant que les entreprises qui commercialisent ces produits sont plus influentes que l’État dans les champs de la province.

Une enquête de Radio-Canada a révélé mercredi que malgré la volonté affichée par le gouvernement du Québec de réduire la présence des pesticides dans l’industrie agricole, leur utilisation a plutôt connu une croissance de 27 % entre 2006 et 2012. Au même moment, les surfaces cultivées reculaient.

« C’est inquiétant », a admis jeudi le ministre de l’Agriculture Pierre Paradis, dans le cadre d’une entrevue accordée à Paul Arcand. Il s’est notamment dit préoccupé par les effets des pesticides sur la santé humaine, en premier lieu celle des agriculteurs. M. Paradis a ainsi souligné que l’Organisation mondiale de la santé a conclu l’an dernier que l’herbicide Roundup, de la multinationale Monsanto, était probablement cancérigène pour l’être humain. Or, le recours à ce produit toxique est en forte hausse au Québec.

On constate aussi l’omniprésence des néonicotinoïdes, puisque la quasi-totalité des semences de maïs et environ la moitié des semences de soya sont traitées avec ces insecticides. L’Autorité européenne de sécurité des aliments reconnaît pourtant clairement que ces produits vendus librement au Québec pourraient affecter le cerveau humain et le système nerveux. Qui plus est, ces insecticides sont montrés du doigt pour expliquer l’effondrement des colonies d’abeilles, ce qui pose un risque majeur pour toute l’agriculture.

Le hic, c’est que le gouvernement du Québec a laissé les agriculteurs à eux-mêmes, constate l’enquête de Radio-Canada. Dans ce contexte, les entreprises qui commercialisent les pesticides, comme Monsanto, prennent de plus en plus de place. « Ils sont encore plus puissants que le gouvernement du Québec », a d’ailleurs reconnu Pierre Paradis, en évoquant « Monsanto et les autres de ce genre ».

« On ne peut pas continuer dans cette voie », a ajouté le ministre de l’Agriculture. Québec dit donc vouloir augmenter l’information et l’éducation des agriculteurs, mais aussi des consommateurs. Il a toutefois reconnu que dans un contexte de libre-échange, les producteurs québécois sont soumis à des pressions économiques de plus en plus fortes. Cette « réalité incontournable » milite en faveur du recours accru aux pesticides.

Quoi qu’il en soit, le ministre de l’Environnement David Heurtel a dit jeudi que le gouvernement du Québec préparait actuellement une stratégie pour mieux encadrer le recours aux pesticides. « C’est un problème important qu’il faut régler et on va le régler », a-t-il promis.

Ce n’est pas la première fois qu’une telle promesse est mise de l’avant. Québec avait promis en 2011 de réduire le recours aux pesticides de 25 %, et ce, d’ici 2021. En 1992, le gouvernement avait aussi promis de réduire leur présence de 50 % avant 2002. Chaque fois, ce fut un échec puisque les pesticides ont connu une hausse marquée au cours des années.

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