La «madame climat» de l’ONU se montre optimiste
Fille et soeur de présidents costaricains, Christiana Figueres, 59 ans, est secrétaire exécutive de la Convention cadre des Nations unies pour les changements climatiques (CCNUCC). « Un titre horriblement compliqué », reconnaît volontiers la « madame climat » de l’ONU depuis 2010 et jusqu’à l’an prochain. Rompue au jargon onusien, elle a pour mission de veiller au bon déroulement du processus de négociations qui précède la COP 21 (pour 21e Conférence des parties), la grande conférence climat qui aura lieu en décembre à Paris. Et qui doit accoucher d’un accord global et contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre, pour limiter l’augmentation des températures à 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Point d’étape, alors que commence ce lundi le dernier round de négociations intermédiaires à Bonn, en Allemagne.
À combien de COP avez-vous assisté ?
Vingt. C’est-à-dire toutes, puisque j’assisterai à la vingt et unième.
Jusqu’ici, ces Conférences n’ont jamais abouti à des accords universels et contraignants. N’en avez-vous pas assez ?
Non, je n’en ai pas assez, parce que je vois des progrès lents mais très, très solides. Ceux qui, comme moi, sont engagés dans cette profonde transformation dont la planète a besoin ne peuvent pas se permettre d’être fatigués.
À six semaines de son démarrage, pensez-vous que la COP21 peut aboutir à un texte vraiment ambitieux ?
Nous savons déjà quelle avance nous avons. Et c’est bien plus qu’avant Copenhague, en 2009, la dernière fois que nous avons tenté d’obtenir un accord universel. D’abord, près de 150 pays [sur les 195 qui négocient à la Conférence] ont présenté leur contribution nationale [leur ambition de réduction d’émissions de gaz à effet de serre], qui montrent que quasiment tous les pays ont effectué des consultations en profondeur pour définir comment ils allaient contribuer à l’effort collectif. Les émissions de gaz à effet de serre de ces 150 pays représentent 86 % des émissions globales, et avec leurs propositions, on arrive déjà à une réduction de 4 à 5 gigatonnes de carbone par rapport aux projections précédentes. Ça nous met sur une trajectoire de + 3 °C, ce qui est bien mieux que les + 4 voire + 5 °C qu’on avait avant. On n’est pas encore sur l’objectif des 2 °C, mais c’est beaucoup mieux.
On a aussi fait des progrès sur les financements, indispensables pour l’accord de Paris. Selon des rapports récents, on est passé de 50 milliards de dollars de « finance climat » vers les pays du Sud en 2013, à 60 milliards en 2014. C’est en augmentation, et dans l’ordre de grandeur qu’il faut pour atteindre les 100 milliards d’ici à 2020 [financements promis à Copenhague en 2009 par les pays du Nord aux pays du Sud pour les aider à lutter contre les bouleversements climatiques]. Même si des efforts supplémentaires restent à faire. Autre motif de réjouissance, le nombre impressionnant de villes, régions, entreprises ou investisseurs qui se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. […]
En additionnant les contributions, on est sur une trajectoire d’environ + 3 °C. Comment faire pour corriger ça ?
L’accord de Paris a toujours été pensé comme un texte évolutif qui guidera l’économie mondiale pendant les deux ou trois prochaines décennies. Les contributions des États sont une base, pas un plafond. Il y a un consensus croissant en faveur d’un mécanisme de révision de ces ambitions tous les cinq ans. Ce texte, c’est un cheminement.
En quoi la COP21 de Paris s’en sortirait mieux que le fiasco de Copenhague ?
La situation a changé. D’abord, tous les pays expérimentent aujourd’hui les conséquences du changement climatique. C’est quelque chose de beaucoup plus tangible pour nous tous. Tout comme nous avons une meilleure compréhension des risques sociaux et économiques du changement climatique. L’autre grande différence, c’est que nous avons aujourd’hui bien en main des technologies capables de répondre au changement climatique : plus efficaces, moins chères, beaucoup plus accessibles. Troisième différence, les investissements dirigés vers les énergies renouvelables (solaire, éolien…) sont en pleine augmentation, de l’ordre de 300 milliards de dollars l’an dernier. La quatrième différence, c’est que contrairement à Copenhague, aujourd’hui nous avons des cadres juridiques et législatifs nationaux beaucoup plus riches, sur lesquels il sera beaucoup plus simple d’asseoir une régulation internationale. Enfin, la différence peut-être la plus décisive, c’est que les pays et les entreprises se sont rendu compte que lutter contre le changement climatique ne servait pas seulement l’intérêt collectif, mais également l’intérêt économique, social de chaque pays. Les contributions ont été bâties selon ce principe. C’est une approche très nouvelle, et très puissante. On ne fait pas ça pour sauver la planète, mais pour faire avancer ses objectifs de développement durable.
Vous semblez très optimiste sur l’issue de la COP21, ce qui n’est pas la tonalité du discours de la plupart des observateurs.
Alors, ils sont mal informés.

Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la CCNUCC
Photo: Noel Celis Agence France-Presse