Québec repousse Mine Arnaud

Le rapport du BAPE constatait « l’absence d’un consensus social et la polarisation de la population » de Sept-Îles autour du projet.
Photo: Alexandre Shields Le Devoir Le rapport du BAPE constatait « l’absence d’un consensus social et la polarisation de la population » de Sept-Îles autour du projet.

Sans partenaire financier pour l’exploitation de Mine Arnaud et sans acheteur pour la production, le gouvernement Couillard est forcé de repousser le démarrage de ce projet de 850 millions de dollars. Investissement Québeca même mandaté une firme internationale pour tenter de trouver des investisseurs pour ce projet phare de la relance du Plan Nord.

« Investissement Québec croit fermement en la poursuite du projet Mine Arnaud, dans lequel elle demeure significativement engagée. Toutefois, à la suite d’une décision de son partenaire Yara International de limiter sa participation future, elle doit concentrer ses efforts sur la recherche de partenaires stratégiques et opérationnels », a admis la société d’État par voie de communiqué, jeudi.

Investissement Québec n’a pas donné de détails sur la réduction de la participation de Yara, une entreprise norvégienne qui s’était engagée au départ à acheter toute la production de Mine Arnaud, en plus d’y investir 120 millions de dollars. Le Devoir révélait toutefois la semaine dernière que la multinationale, qui a déjà été reconnue coupable de corruption en Libye, était maintenant disposée à acheter seulement 40 % à 50 % de la production.

Or, l’imposante mine à ciel ouvert doit produire, pendant 31 ans, un maximum de 1,25 million de tonnes de concentré d’apatite chaque année. Cela signifie que le promoteur devra trouver un nouvel acheteur pour acquérir, au maximum, entre 625 000 et 750 000 tonnes chaque année. En plus de la recherche de clients, Investissement Québec doit aussi trouver un partenaire prêt à injecter au minimum 160 millions de dollars dans Mine Arnaud, mais aussi à exploiter la mine de Sept-Îles. En théorie, la participation de Québec doit se limiter à 120 millions de dollars de fonds publics.

Firme mandatée

 

Sept mois après avoir annoncé en grande pompe Mine Arnaud, le projet se bute donc à de sérieuses embûches financières. Signe des difficultés du gouvernement Couillard, une « firme internationale » a été mandatée pour aider Investissement Québec dans ses recherches. La société d’État a toutefois refusé de préciser au Devoir le nom de l’entreprise, en raison d’un « contrat de confidentialité ».

Le ministre responsable du Plan Nord, Pierre Arcand, s’est pour sa part voulu rassurant quant à la suite des choses. « Le projet Mine Arnaud est un excellent projet. Je n’ai aucun doute sur le fait que le projet Mine Arnaud va trouver preneur pour sa production. Le financement est une étape cruciale qui nécessite du temps et des efforts », a-t-il fait valoir jeudi, alors qu’il était justement de passage à Sept-Îles pour inaugurer un bureau du Plan Nord.

La Banque mondiale entrevoit néanmoins des années difficiles pour le marché du phosphate (l’apatite est composée de phosphate). Selon un rapport publié en juillet, les prix, actuellement situés à 110 $ la tonne, devraient poursuivre leur recul, pour atteindre 90 $ la tonne en 2025. Or, selon Mine Arnaud, le seuil de rentabilité du projet se situerait à environ 120 $.

Pendant que le promoteur se montre actif sur le front financier, le gouvernement refuse d’aller rencontrer les citoyens de Sept-Îles pour répondre à leurs inquiétudes par rapport au projet, qui deviendrait la plus grande mine à ciel ouvert à être exploitée en milieu habité au Québec. Un projet qui avait d’ailleurs été sévèrement critiqué par le BAPE.

Devant composer chaque jour avec cette réalité, le maire Réjean Porlier a envoyé plusieurs demandes de rencontre au ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC), David Heurtel. Toutes les demandes sont restées lettre morte.

Jeudi, M. Porlier a rappelé que l’annonce du projet, quoique controversée, a suscité de l’« espoir » chez les citoyens, aux prises avec de nombreuses mauvaises nouvelles dans le secteur minier. « Je me demande s’il n’aurait pas été plus judicieux, dans ce dossier, de confirmer que le financement était assuré avant d’annoncer le projet et les créations d’emplois. J’ai l’impression qu’on a fonctionné à l’envers. »

La Coalition Québec meilleure mine « réclame une enquête publique pour faire la lumière sur le fiasco Mine Arnaud ».

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