Le monde doit être plus ambitieux dans la lutte, dit Nicholas Stern

Il existe un véritable « fossé » entre les engagements des États et ce qu’il faudrait faire pour éviter de bouleverser profondément le climat de la planète, affirme le réputé économiste britannique Nicholas Stern. À quelques mois du sommet de Paris, il presse donc la communauté internationale à démontrer plus d’ambition en matière de lutte contre les changements climatiques.
« Il y a un fossé entre le scénario des émissions basé sur les ambitions et stratégies actuelles et un scénario cohérent avec l’objectif de 2 °C », a souligné lundi le chercheur, ex-vice-président de la Banque mondiale et coauteur d’une analyse des engagements connus à ce jour et des politiques actuelles des autres pays.
« Par conséquent, les pays devraient étudier la possibilité de réduire ce fossé avant et après la conférence climat de Paris », estime Nicholas Stern, avec deux autres membres de la London school of economics Bob Ward et Rodney Boyd.
Les chercheurs ont calculé les « contributions nationales » rendues publiques jusqu’à présent par les États membres de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Pour le moment, huit pays et l’Union européenne ont fait connaître leurs cibles. Tous les pays membres doivent en théorie le faire d’ici le premier octobre, de façon à ce qu’un bilan des engagements soit produit pour le 1er novembre, soit un peu plus d’un mois avant le sommet de Paris.
Selon les calculs de l’équipe de M. Stern, les gros émetteurs que sont les États-Unis, la Chine et l’Union européenne devraient émettre entre 20,9 et 22,3 milliards de tonnes de CO2 en 2030. Si on ajoute à cela les politiques actuellement en vigueur ou prévues par les autres pays, les émissions globales devraient atteindre les 35 milliards de tonnes en 2030.
Cible ambitieuse
Le hic, c’est que les Nations unies estiment que les émissions mondiales ne devraient pas dépasser les 23 milliards de tonnes en 2030 si le monde veut avoir une chance de freiner la hausse du climat. Et encore, en respectant cette cible, la communauté internationale aurait entre 50 % et 66 % de chances de limiter la hausse de la température moyenne de la planète à 2 °C.
Pour y parvenir, il faudrait que l’humanité se donne un objectif de « zéro émission » de gaz à effet de serre au plus tard en 2100, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Or, les niveaux actuels des émissions mondiales de gaz à effet de serre conduisent la planète vers une hausse des températures 4 à 5 °C à la fin du siècle. Un tel scénario serait tout simplement catastrophique pour le maintien de la vie sur Terre.
Par ailleurs, le Canada n’a toujours pas fait connaître ses cibles de réduction en vue de la négociation de l’accord climatique qui doit être signé à Paris en décembre. Ottawa promet de les rendre publiques avant la tenue du sommet du G8, prévu en juin.
Pour le moment, les émissions canadiennes sont à la hausse et la croissance doit se poursuivre au cours des prochaines années. L’industrie pétrolière sera la grande responsable du phénomène. Uniquement pour les sables bitumineux, les émissions devraient passer de 20 à 75 millions de tonnes.
La production des sables bitumineux, en pleine croissance, doit dépasser les trois millions de barils par jour en 2020. Et le gouvernement Harper refuse toujours de réglementer les émissions du secteur pétrolier. Les réserves pétrolières du Canada sont les troisièmes en importance dans le monde.