Plusieurs menaces pèsent toujours sur les bélugas

S’il se dit soulagé de l’abandon du projet de port pétrolier de Cacouna, le président du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), Robert Michaud, rappelle que plusieurs menaces bien réelles pèsent toujours sur l’avenir des bélugas du Saint-Laurent.
Il ne s’en cache pas. La décision de TransCanada de laisser tomber son controversé projet de port d’exportation constitue un « soulagement » pour M. Michaud, un scientifique qui étudie l’espèce depuis plus de 30 ans.
Il faut dire qu’un port destiné au chargement de pétrole des sables bitumineux aurait nécessité la construction d’une jetée de 600 mètres dans ce secteur de l’estuaire. Quelque 175 pétroliers seraient venus s’amarrer chaque année au bout de celle-ci, avant de repartir avec des chargements pouvant atteindre jusqu’à 200 000 tonnes de brut.
« L’inquiétude était très sérieuse, explique M. Michaud, parce que la population de bélugas n’aurait peut-être pas pu se remettre » de cette menace directe à un « habitat critique » pour l’espèce.
Le secteur constitue en effet le coeur de l’unique pouponnière des bélugas du Saint-Laurent. Une région d’autant plus essentielle que la population ne compterait plus que 880 individus, en plus de montrer clairement des signes de « déclin » continu. En fait, depuis que les bélugas bénéficient d’une protection officielle, leur population n’a jamais augmenté. Normalement, une population en santé aurait dû doubler.
Plusieurs menaces
Robert Michaud estime toutefois qu’au-delà du projet très médiatisé de TransCanada, « plusieurs menaces » déjà bien réelles sont toujours « passées sous silence ». Selon lui, le débat autour du projet de port a laissé peu de place à la discussion au sujet des causes du déclin marqué de ces cétacés.
Or, ce ne sont pas les problématiques qui manquent pour cette espèce, qui réside dans les eaux du Saint-Laurent toute l’année. La mortalité chez les jeunes bélugas a notamment connu une augmentation importante au cours des dernières années. Les spécialistes de l’espèce ne parviennent toutefois pas à identifier avec précision les causes de ces décès, qui mettent à mal toute possibilité de rétablissement.
Le recul des glaces dans le golfe pourrait nuire aux femelles gestantes durant les mois qui précèdent la naissance de leurs veaux. Un phénomène qui pourrait d’ailleurs bien prendre de plus en plus d’importance en raison des bouleversements climatiques qui frappent le Saint-Laurent.
M. Michaud met aussi en lumière la nécessité de mieux comprendre les impacts d’une diminution des stocks de harengs, une proie pour les bélugas, mais aussi de l’accumulation de certains agents contaminants dans les animaux.
Dans ce contexte, explique le scientifique, les efforts de recherche doivent se maintenir. Le scientifique estime par ailleurs que le gouvernement fédéral, qui reconnaît légalement le statut menacé de l’espèce, devrait désigner l’habitat essentiel de celle-ci. Cela oblige cependant le gouvernement à protéger les secteurs désignés, ce qui peut avoir pour effet de bloquer des projets industriels, comme la construction d’un port pétrolier.