Une logique issue du XXe siècle

L’obsolescence planifiée ne date pas d’hier. En fait, elle est plutôt la norme depuis des décennies pour certains produits de consommation courante.

S’il est difficile de déterminer quand a été imaginé pour la première fois ce concept de désuétude, des industriels du XXe siècle ont en effet mis en place des stratégies pour s’assurer que les consommateurs achètent, et surtout rachètent rapidement leurs produits.

En 1932, un agent d’immeubles prospère de New York, Bernard London, publie un texte intitulé « Mettre fin à la Dépression grâce à l’obsolescence planifiée ».

Il y fait l’apologie de la période ayant précédé la Grande Dépression, période au cours de laquelle les consommateurs se débarrassaient de leurs biens avant qu’ils ne soient inutilisables, notamment pour suivre la mode ou les avancées technologiques.

M. London, un millionnaire, déplore le fait que ce mode de vie ait disparu avec le krach économique de 1929. Désormais, écrit-il, la réduction de la consommation a « détruit » de la valeur et la société est soumise aux « caprices » des consommateurs.

Il propose donc une solution pour le moins radicale : rendre l’obsolescence planifiée obligatoire pour tous les biens de consommation. Au-delà de la date fixée, les consommateurs qui continueraient d’utiliser leurs biens s’exposeraient même à une amende.

Faire brûler l’ampoule

Si la méthode de Bernard London n’a jamais été mise en place, des industriels n’en ont pas moins imaginé avant lui une façon d’imposer l’obsolescence aux consommateurs, mais sans qu’ils en soient conscients.

En 1924, les grands fabricants contrôlant le marché mondial des ampoules électriques décidèrent de mettre en marché des ampoules ayant une durée de vie réduite à environ 1000 heures.

Pour s’assurer que tous respectent cette règle, des tests étaient même effectués pour vérifier les ampoules produites.

Il faut dire qu’avant cette date, les ampoules produites pouvaient aisément avoir une existence deux fois plus longue.

À Livermore, en Californie, une caserne de pompiers abrite même une ampoule particulièrement révélatrice d’une époque où les produits de consommation courante étaient conçus pour durer.

L’ampoule en question est allumée depuis 1901. Une webcaméra la filme d’ailleurs en permanence. Elle a déjà survécu à deux de ces caméras.

Autre exemple d’obsolescence planifiée devenue aujourd’hui la norme ? En 1940, les bas de nylon font leur apparition sur le marché. Ces produits deviennent rapidement très en vogue, au point où ils sont pour ainsi dire un incontournable de la garde-robe féminine.

Le problème, selon les entreprises qui en contrôlent la vente, c’est que ces bas sont très résistants.

Partant du principe voulant qu’un produit qui ne s’use pas soit une tragédie pour les affaires, les fabricants exigent donc du géant américain DuPont, qui produit le nylon, de rendre les fibres progressivement plus fragiles. Avec les résultats qu’on connaît aujourd’hui.

Des versions récentes

 

Certains industriels ont en outre compris il y a près d’un siècle que les consommateurs aiment posséder des versions plus récentes de certains produits. C’est le cas des constructeurs automobiles.

Alors que le marché de l’automobile était dominé par la Ford T au tournant des années 1920, General Motors décida de produire des modèles différents, et ce, chaque année.

Cette stratégie, qui avait pour objectif d’inciter les consommateurs à changer régulièrement de voiture, a eu raison du modèle unique de Ford.

C’est ainsi que sont nés les modèles annuels, devenus la norme par la suite et vendus à grand renfort de publicité.

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