L’aide canadienne aux pétrolières frôle le milliard

Le Canada accorde annuellement une aide financière d’au moins 930 millions de dollars pour la recherche de nouveaux gisements de pétrole ou de gaz naturel.
Photo: Archives La Presse canadienne Le Canada accorde annuellement une aide financière d’au moins 930 millions de dollars pour la recherche de nouveaux gisements de pétrole ou de gaz naturel.

Le Canada est toujours très généreux avec l’industrie pétrolière et gazière, révèle une nouvelle étude qui chiffre à 88 milliards de dollars l’aide annuelle accordée par les pays du G20 à la recherche de nouvelles sources d’énergie fossile. Pendant ce temps, la science du climat prône une réduction draconienne des émissions de gaz à effet de serre.

Même si le gouvernement Harper s’était engagé en 2009 à réduire progressivement à néant ses subventions publiques à l’industrie, les millions continuent d’affluer pour encourager l’exploration pétrolière et gazière, indique le rapport publié mardi par les associations Overseas Development Institute (ODI) et Oil Change International.

Ainsi, le Canada accorde annuellement une aide financière d’au moins 930 millions de dollars, et ce, directement pour la recherche de nouveaux gisements de pétrole ou de gaz naturel. Ce montant inclut des crédits d’impôt pour pratiquement toutes les étapes de l’exploration.

Ces centaines de millions de dollars ne constituent toutefois pas une estimation complète, selon les groupes qui ont produit l’étude publiée en prévision du sommet des pays riches et émergents du G20 de Brisbane, en Australie. « Parce que les évaluations de plusieurs subventions ne sont pas disponibles, la valeur réelle des subventions canadiennes devrait être beaucoup plus élevée », soulignent-ils.

Reste que le Canada « est l’un des plus importants pourvoyeurs de fonds publics destinés à l’exploration pétrolière et gazière du G20 ». Il faut dire que cette industrie est particulièrement active au pays. Entre les années 2000 et 2013, la production pétrolière a connu une augmentation de 53 % au Canada, pour atteindre près de quatre millions de barils par jour.

L’essentiel de cette hausse est dû à l’exploitation des sables bitumineux. C’est d’ailleurs l’expansion de cette production qui draine le plus de subventions publiques. Le rapport dresse aussi le « top 20 » des projets qui doivent se développer au cours des prochaines années dans les pays du G20, si la hausse du baril de pétrole est au rendez-vous. Neuf de ces projets doivent voir le jour au Canada, dont huit dans les sables bitumineux et un en Arctique. Les multinationales Exxon, Shell, Chevron et Conoco Phillips sont derrière ces projets.

Des milliards versés

 

Le rapport souligne en outre que les États-Unis, avec plus de 5 milliards de dollars de subvention en 2013, ont presque doublé les montants versés en quatre ans, et ce, en raison du refus du Congrès de voter des réductions proposées par le président Barack Obama.

Au Royaume-Uni, l’État a soutenu financièrement des projets d’exploration en milieu marin et la compagnie pétrolière française Total en a tiré la part du lion, avec 838 millions de dollars perçus entre 2009 et 2014. Le rapport pointe en particulier le soutien massif à l’exploration apporté par l’entremise d’entreprises d’État. Celui-ci atteint entre 2 et 5 milliards de dollars en Russie, au Mexique et en Inde, 9 milliards en Chine, 11 milliards au Brésil et 17 milliards en Arabie saoudite.

Les milliards continuent donc de sortir des coffres des États pour soutenir l’industrie des énergies fossiles. Les membres du G20 s’étaient pourtant entendus en 2009 pour délaisser progressivement les subventions, notamment parce qu’elles perturbent les marchés et favorisent une consommation excessive d’énergie. Il s’agissait alors d’un des rares engagements du G20 pour s’attaquer aux changements climatiques.

Éliminer les GES

 

Pendant ce temps, la science du climat est pour sa part formelle : les réductions des émissions de gaz à effet de serre devront être majeures au cours des prochaines années pour éviter les pires effets des bouleversements climatiques.

Le récent rapport-synthèse du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime en effet qu’éviter le pire impliquerait d’opérer rapidement un virage sans précédent dans l’histoire de l’économie mondiale. Selon les scientifiques, il faudrait réduire les émissions mondiales de 40 à 70 % d’ici 2050 (par rapport à 2010) et les faire complètement disparaître en 2100.

À titre de comparaison, les émissions de GES du Canada doivent au contraire poursuivre leur croissance marquée, en raison de l’exploitation pétrolière. Officiellement, le fédéral s’est engagé à réduire ses émissions de 17 % par rapport aux niveaux de 2005, et ce, d’ici 2020. Pour atteindre cet objectif, Ottawa devrait les ramener à 612 millions de tonnes avant la fin de la décennie.

En 2020, les émissions canadiennes devraient plutôt totaliser 734 millions de tonnes de GES. L’industrie pétrolière sera en bonne partie responsable du phénomène. Uniquement pour les sables bitumineux, les émissions devraient passer de 20 à 75 millions de tonnes.



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