TransCanada forcée de se faire moins bruyante
Même si les forages menés par TransCanada dans la pouponnière de bélugas du Saint-Laurent ont eu plus d’impacts sur le milieu marin que prévus, le ministère de l’Environnement n’entend pas y mettre fin. Il attend cependant que TransCanada lui soumette un nouveau « plan de travail » avant d’autoriser la poursuite des travaux menés en vue de la construction d’un port pétrolier à Cacouna.
Le ministère a confirmé mercredi en fin de journée que, malgré la fin de l’arrêt temporaire des forages imposé par la Cour, les barges ne seront pas de retour ce jeudi à Cacouna.
Selon ce qui a été précisé par écrit, TransCanada n’a pas encore transmis de « nouvelle proposition » dans le but de respecter « la norme de bruit prévue par le certificat d’autorisation ». La pétrolière « ne pourra reprendre ses travaux de sondage géotechnique au large de Cacouna, tant et aussi longtemps qu’elle n’aura pas soumis de proposition jugée acceptable par le ministère ».
Cette question du bruit est cruciale dans la mesure où la pollution sonore générée par les forages peut être considérée comme une nuisance importante pour les bélugas, a expliqué mercredi Robert Michaud, spécialiste de l’espèce. Les animaux, essentiellement des femelles avec leurs jeunes, cherchent en effet à éviter les secteurs fortement perturbés par le bruit. Dans le cas de Cacouna, cela signifie éviter des secteurs essentiels pour la survie de cette espèce menacée de disparition.
Qui plus est, les travaux menés par TransCanada ont eu un impact sonore beaucoup plus important que ce que prévoyait le certificat d’autorisation délivré par Québec. En vertu de cette autorisation, formulée sans tenir compte d’un avis scientifique, l’entreprise devait s’assurer de maintenir une « zone d’exclusion » de 540 mètres autour de la zone de forage. Une telle mesure devait permettre de ne pas exposer les animaux à des sons de plus de 120 décibels (dB).
Travaux bruyants
Mais selon ce que précise Québec dans une lettre transmise à TransCanada, ce seuil a été largement dépassé à au moins deux reprises. Dans un cas, le niveau de 120 dB a été atteint à 1106 mètres de distance, et dans l’autre, à 2747 mètres. Ces données indiquent notamment que le bruit à la source a parfois été « au moins quatre fois plus puissant » qu’estimé par le ministère au moment de délivrer son certificat d’autorisation.
Comme le ministère de l’Environnement n’a eu connaissance des dépassements des seuils de bruit qu’après l’arrêt des travaux ordonné par la Cour, « il est possible » que ceux-ci aient eu un impact plus important sur les bélugas du secteur, selon Robert Michaud. Mais pour mesurer réellement l’ampleur des dépassements, il faudrait consulter le « rapport de bruit » produit par TransCanada et transmis à Québec. Or, ce document n’a pas été rendu public.
M. Michaud estime par ailleurs que même si TransCanada étendait sa « zone d’exclusion », il est « totalement illusoire » de croire qu’il est possible de surveiller les eaux du Saint-Laurent sur un rayon de près de trois kilomètres pour tenter de détecter la présence de bélugas. Cela représente une superficie de 28 km2. Même si la période de très forte fréquentation du secteur est terminée, des bélugas sont toujours présents dans le secteur.
Des groupes écologistes ont d’ailleurs réclamé mercredi l’arrêt pur et simple des travaux en milieu marin à Cacouna. Ils ont notamment déposé une pétition de 32 000 signatures réclamant du gouvernement Couillard qu’il interdise « définitivement tous les travaux effectués dans l’habitat essentiel du béluga ».
Le ministre de l’Environnement David Heurtel a refusé de répondre aux questions des journalistes mercredi. Son collègue Pierre Arcand, qui a déjà livré un plaidoyer en faveur du projet de la pétrolière albertaine, a pour sa part dit que le gouvernement en étudie « les avantages et les inconvénients ».
TransCanada a pour sa part fait valoir qu’elle entendait aller de l’avant avec la suite des travaux. « Nous avons l’intention de soumettre de nouvelles propositions au [ministère de l’Environnement], afin de nous conformer aux conditions entourant le niveau de bruit subaquatique », a écrit son porte-parole Philippe Cannon.
TransCanada n’a pas été mise à l’amende par Québec à la suite de l’avis de non-conformité délivré le 10 octobre.