Québec donne son aval au forage à Cacouna

TransCanada devra respecter un niveau de bruit maximal subaquatique et s’assurer qu’aucun béluga ne se trouve dans un rayon de 540 mètres au moment des forages.
Photo: Thinkstock TransCanada devra respecter un niveau de bruit maximal subaquatique et s’assurer qu’aucun béluga ne se trouve dans un rayon de 540 mètres au moment des forages.

Le ministère de l’Environnement du Québec a donné l’autorisation jeudi à TransCanada de réaliser des travaux de forage en milieu marin, au large de Cacouna. Bien que la compagnie albertaine et le gouvernement assurent que les travaux géotechniques n’affecteront pas cette zone habitée par les bélugas, plusieurs groupes environnementaux considèrent déjà l’option de faire appel aux tribunaux.

 

« Ce n’est pas un go pour le projet en totalité, c’est un go pour aller faire des travaux de sondage préliminaires », affirme Frédéric Fournier, porte-parole au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. M. Fournier explique que les forages qui viennent d’être autorisés permettront à TransCanada de documenter le fond marin, afin de déterminer les emplacements d’un possible port pétrolier et d’éventuels réservoirs de stockage à pétrole dans le secteur du port de Gros-Cacouna, sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent.

 

Avant de procéder à ces travaux, qui engendreront une grande source de bruit menaçant les bélugas qui se tiennent dans cette région du fleuve, TransCanada doit se soumettre à une série de conditions. Par exemple, l’entreprise devra respecter un niveau de bruit maximal subaquatique et s’assurer qu’aucun béluga ne se trouve dans un rayon de 540 mètres au moment des forages. Québec affirme s’être servi d’un avis scientifique produit par Pêches et Océans Canada pour établir ces conditions qualifiées de « sévères ». Ces conditions sont presque identiques à celles qui ont été imposées à TransCanada en avril dernier, alors que des tests géophysiques étaient effectués. Il s’agissait de travaux réalisés à l’aide de son.

 

La vigilance de Québec remise en doute

 

Patrick Bonin, responsable de la campagne climat-énergie chez Greenpeace Canada, doute qu’il y ait réellement un nouvel avis scientifique derrière la décision du ministère provincial. « Le certificat d’autorisation réfère à plusieurs documents auxquels nous n’avons pas accès… Il nous faut de la transparence pour bien comprendre sur quoi sont basées cette décision et ces mesures. On ne peut pas juste se fier à des paroles », soupire-t-il. Selon lui, Québec doit démontrer rapidement qu’un avis scientifique a été obtenu précisément pour ce projet, « et qu’on n’a pas tourné les coins ronds en s’en remettant à Ottawa, qui a un préjugé favorable envers les activités pétrolières, et qui tend à éviter d’obtenir des avis scientifiques ».

 

En mai dernier, TransCanada s’était engagée devant la Cour supérieure à suspendre ses travaux. Quatre groupes environnementalistes avaient tenté d’avoir une injonction pour faire cesser les travaux de forages de TransCanada. Les deux parties s’étaient entendues sur un énoncé qui confirmait que l’entreprise albertaine s’engageait à ne pas forer avant d’avoir l’autorisation du ministre de l’Environnement, David Heurtel. Maintenant que Québec a donné le feu vert, les organismes n’excluent pas la possibilité de faire appel aux tribunaux pour tenter de faire invalider le certificat d’autorisation. Si Québec n’est pas en mesure de bien défendre sa position et de montrer toute la documentation qui a appuyé cette décision, une poursuite pourrait être rapidement intentée, assure M. Bonin.

 

Les bélugas vulnérables

 

Aux yeux de Robert Michaud, qui étudie les bélugas depuis plus de 30 ans, les mesures d’encadrement de Québec et d’Ottawa sont totalement insuffisantes. « C’est tout sauf des conditions sévères, on parle ici d’une espèce en péril, qui, de surcroît, est en déclin », déplore le président et directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins. Le secteur de Cacouna est considéré comme la pouponnière de l’espèce dans le Saint-Laurent, fait-il valoir. Or, la période de mise bas s’étend de mai à octobre. Cela signifie que non seulement les femelles seront menacées par les travaux, mais aussi leurs jeunes, âgés de quelques jours à quelques semaines.

 

De son côté, la compagnie TransCanada s’est dite bien au fait des impacts potentiels sur les mammifères marins. « Nous sommes très conscients de la présence de bélugas dans le fleuve Saint-Laurent à proximité de Cacouna, et c’est pourquoi nos experts ont travaillé en collaboration avec les experts gouvernementaux pour définir les mesures de mitigation », a indiqué par voie de communiqué le porte-parole Philippe Cannon.

 

Sans vouloir préciser la date de déclenchement des travaux, la compagnie qui transporte du pétrole et du gaz à travers le pays a laissé savoir que les opérations commenceront rapidement. « Nous sommes heureux d’aller de l’avant et de pouvoir continuer de développer notre projet qui, comme nous l’avons dit et répété, est un projet créateur d’emploi », a ajouté M. Cannon.

 

Les travaux de forage s’inscrivent dans le projet de pipeline Énergie Est de TransCanada, qui compte transporter dès 2018 plus d’un million de barils de pétrole chaque jour vers le Nouveau-Brunswick, en passant par le Québec. C’est dans ce cadre que sera construit un port à Cacouna afin de charger des navires de pétrole en vue de l’exporter. Le projet doit faire l’objet d’une évaluation du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), mais Québec n’a toujours pas donné d’échéancier.

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