Ottawa dit non à une étude des parlementaires pour le port pétrolier de Cacouna

Le comité permanent de Pêches et Océans Canada a rejeté mercredi une motion du NPD qui aurait forcé le fédéral à expliquer « la base scientifique » qui justifie l’autorisation accordée à TransCanada pour mener des travaux de forages en milieu marin à Cacouna.
Selon ce qu’a appris Le Devoir, la motion, présentée par le député François Lapointe, demandait que le comité se réunisse avant l’été « afin de se pencher sur les préoccupations croissantes de la population et du milieu scientifique relatives à la menace immédiate que représentent les travaux » menés par la pétrolière albertaine dans les eaux du Saint-Laurent. TransCanada souhaite réaliser d’ici quelques semaines des forages afin de déterminer où serait construit son futur port d’exportation pétrolière.
M. Lapointe, député de Montmagny — L’Islet — Kamouraska — Rivière-du-Loup, souhaitait ainsi que des représentants de Pêches et des Océans viennent fournir au comité permanent « la liste complète des conditions établies par le ministère pour ces travaux et la base scientifique sur laquelle sont fondées ces conditions ». Le libellé de la motion incluait également l’idée d’établir « quelles activités auraient été sujettes à une évaluation environnementale fédérale en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale si celle-ci n’avait pas été abrogée ».
Silence à Ottawa
Mais aucun de ces éléments ne sera dévoilé publiquement puisque le comité a décidé mercredi en fin de journée de rejeter la motion néo-démocrate, qui avait été présentée lundi. Il n’a pas été possible de savoir quels députés ont voté en faveur ou contre la proposition puisque la rencontre se tenait à huis clos, sur ordre du gouvernement de Stephen Harper. Les conservateurs détiennent la majorité au sein de ce comité et contrôlent donc les votes.
TransCanada a déjà une autorisation du fédéral de procéder à des forages dans le Saint-Laurent. Celle-ci est valide jusqu’en novembre. Elle couvre donc toute la période de fréquentation par le béluga de cet habitat essentiel la survie de l’espèce.
Pêches et Océans Canada a précisé qu’aucun permis n’était requis pour les travaux de levés géotechniques à venir, comprenant des forages. Mais une porte-parole a affirmé que le ministère « surveillera » le déroulement des opérations qui seront menées au large de Cacouna. Des « conditions » à la réalisation des travaux ont effectivement été transmises par écrit à TransCanada, a indiqué la porte-parole de Pêches et Océans. Mais elle a refusé de transmettre une copie de ces conditions au Devoir.
Accélérer l’évaluation
Le gouvernement Harper a par ailleurs appuyé récemment un peu plus sur l’accélérateur dans l’évaluation environnementale du projet de la pétrolière albertaine. L’Office national de l’énergie a en effet publié la liste des questions qui seront permises lors des audiences portant sur l’oléoduc Énergie est de TransCanada, et ce, avant même le dépôt officiel du projet.
Cette « liste de questions » stipule clairement que les intervenants ne pourront pas aborder les impacts de ce projet de transport de pétrole brut sur les émissions de gaz à effet de serre du Canada. Pas question non plus de discuter de l’épineux dossier de la production du pétrole des sables bitumeux. Or, c’est précisément ce type de pétrole qui coulera dans ce tuyau, à raison de 1,1 million de barils chaque jour.
Silence à Québec
Sous le coup d’une demande d’injonction pour faire bloquer le début de ses travaux en milieu marin dans le secteur de Cacouna, TransCanada a accepté vendredi d’attendre une décision du gouvernement du Québec avant de procéder à des forages en milieu marin.
Si la pétrolière obtient le feu vert, les travaux risquent d’être menés au cours de la période la plus risquée de l’année pour les bélugas. Selon les spécialistes qui étudient l’espèce depuis plus de 30 ans, l’implantation d’un port pétrolier pourrait précipiter l’extinction de cette espèce emblématique de la fragilité du Saint-Laurent.
Le gouvernement libéral de Philippe Couillard n’a toujours pas pris position concernant ce projet pétrolier. Le premier ministre a toutefois manifesté son préjugé favorable lors de la campagne électorale.
Avec ce projet de transport d’énergie fossile, qui doit être complété en 2018, le Québec deviendra un joueur clé dans la mise en marché et l’exportation du pétrole des sables bitumineux.