Oléoduc Énergie Est: le fédéral lance le processus d'évaluation avant le dépôt du projet

Les intervenants ne pourront pas discuter de l'épineux dossier de la production du pétrole des sables bitumeux.
Photo: -Le Devoir Les intervenants ne pourront pas discuter de l'épineux dossier de la production du pétrole des sables bitumeux.
Le gouvernement Harper appui encore plus sur l'accélérateur dans l'évaluation environnementale des projets de pipelines. L'Office national de l'énergie (ONÉ) vient en effet de publier la liste des questions qui seront permises lors des audiences portant sur l'oléoduc Énergie est de TransCanada, et ce, avant même le dépôt officiel du projet.

Cette «liste de questions» stipule clairement que les intervenants ne pourront pas aborder les impacts de ce projet de transport de pétrole brut sur les émissions de gaz à effet de serre du Canada. Pas question non plus de discuter de l'épineux dossier de la production du pétrole des sables bitumeux. Or, c'est précisément ce type de pétrole qui coulera dans ce tuyau, à raison de 1,1 million de barils chaque jour.

Le processus mis de l'avant est très similaire à celui qui a guidé l'évaluation, par le gouvernement fédéral, du projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B, d'Enbridge. En plus d'éviter de parler des controversés sables bitumineux, les intervenants devaient démontrer la pertinence de leur intervention pour espérer être entendus par l'organisme fédéral qui relève directement du bureau de Stephen Harper. Le projet d'inversion a reçu le feu vert d'Ottawa et doit amener 300 000 barils de brut de l'Ouest à Montréal d'ici la fin de l'année.

Processus accéléré

Mais dans le cas du projet de TransCanada, le processus est lancé encore plus tôt. En fait, il est entamé avant même que la pétrolière albertaine ait déposé son projet officiel auprès de l'Office.

Une situation que dénonce le Conseil des Canadiens. «L'ONÉ a effectivement saboté le processus d'approbation en disant ce qui sera ou ne sera pas examiné avant même que dossier complet ait été déposé, a fait valoir jeudi Andrea Harden-Donahue, responsable de la campagne Énergie et Justice climatique au Conseil des Canadiens, par voie de communiqué. L'ONÉ est de mauvaise foi et démontre son biais en faveur de l'industrie pétrolière en adaptant la liste des questions à examiner à l'avantage de l’entreprise.»

Le Conseil des Canadiens a donc demandé à la Cour fédérale d’Appel d'annuler «la liste des questions» de l'Office national de l'énergie sur le projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanada. Selon l'organisation, «cette liste est injuste, partiale et contraire à la loi».
 
«L’augmentation des gaz à effet de serre consécutive à l’augmentation de production de pétrole bitumineux qui serait rendue possible par le pipeline Énergie Est équivaudrait à ajouter 7 millions de voitures par année sur les routes pendant au moins 50 ans, a d'ailleurs fait valoir Alain Brunel, de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique. A l’heure où les scientifiques nous avertissent qu’il faut réduire radicalement nos émissions de gaz à effet de serre pour laisser un monde vivable, l’aveuglement de l’ONÉ à l’égard de l’enjeu environnemental du siècle est inexcusable et mérite d’être vigoureusement contesté.»

«Cette décision de lancer le processus avant même le dépôt du projet, c'est du jamais vu. Le fédéral fait tout pour limiter la participation du public», a affirmé pour sa part Patrick Bonin, responsable de la campagne climat chez Greenpeace. «Cette situation nous démontre encore davantage l'urgence, pour le gouvernement du Québec, de s'impliquer dans ce dossier», a-t-il ajouté.

Silence à Québec

Le Québec est en effet concerné par le projet Énergie est, puisque des centaines de kilomètres de pipelines doivent être construits dans la province, notamment au fond du Saint-Laurent, afin d'acheminer le pétrole albertain vers Cacouna et le Nouveau-Brunswick. Avec ce projet, qui doit être complété en 2018, le Québec deviendra un joueur clé dans la mise en marché et l'exportation du pétrole des sables bitumineux.

Déjà, TransCanada a signifié à Transports Canada sont intérêt pour l'achat du port de Cacouna. La pétrolière a aussi entamé des travaux préparatoires en milieu marin afin de déterminer où sera construit le port pétrolier qu'elle souhaite y implanter, en plein coeur de l'habitat essentiel du béluga. D'ailleurs, des forages pourraient être menés d'ici quelques semaines dans ce secteur du Bas—Saint-Laurent, au moment où les femelles bélugas sont en pleine période des naissances. Selon les spécialistes qui étudient l'espèce depuis plus de 30 ans, l'implantation d'un port pétrolier pourrait précipiter l'extinction de cette espèce emblématique de la fragilité du Saint-Laurent.
Le gouvernement libéral de Philippe Couillard n'a toujours pas pris position concernant ce projet pétrolier. Le premier ministre a toutefois manifesté son préjugé favorable lors de la campagne électorale.

Des groupes environnementaux se mobilisent contre le projet. Ils entendent notamment tenir une manifestation dans quelques jours à Tadoussac.

 

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