Après avoir refusé à plusieurs reprises de donner quelque détail que ce soit sur son contenu, l’entreprise Pétrolia a finalement annoncé mercredi après-midi que l’entente secrète intervenue entre la pétrolière et Hydro-Québec au sujet des permis d’exploration cédés par la société d’État sur l’île d’Anticosti sera rendue publique.
«Pétrolia confirme qu’une entente de principe est intervenue entre les parties, afin de rendre publiques les modalités de la contrepartie reçue par Hydro-Québec dans le cadre de la cession, à Pétrolia, des droits et intérêts qu’elle détenait sur l’île d’Anticosti. Ces paramètres seront dévoilés le ou vers le 1er septembre 2013», a fait valoir l’entreprise par voie de communiqué.
Le président de Pétrolia, André Proulx, s’est dit «très heureux» de la conclusion de cette entente de principe, «notamment en ce qu’elle concrétise un souhait maintes fois évoqué par le passé». M. Proulx a aussi indiqué que les informations visées par l’entente «pourraient être divulguées plus tôt si la conjoncture commerciale le permet».
Au début de 2008, les droits d’exploration contrôlés par Hydro-Québec sur 35 permis (6300 km2) ont été cédés à l’entreprise Pétrolia en échange d’une «redevance prioritaire» jamais rendue publique. Par la suite, le gouvernement Charest a fait complètement disparaître la division Hydro-Québec Pétrole et gaz.
Le Devoir s’est déjà vu refuser l’accès aux données de l’entente, malgré une demande présentée en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. La société d’État a alors soutenu que «les documents portant sur les ententes et contrats en matière d'exploration pétrolière et gazière sur l’île d’Anticosti sont de nature confidentielle et ne peuvent vous être remis». La Loi sur l’accès à l’information prévoit en effet certaines exceptions qui permettent de ne pas dévoiler des informations liées à une «redevance», à un «secret industriel» ou concernant un «tiers», dans ce cas-ci des entreprises privées.
Lorsque Le Devoir a révélé cette histoire en février 2011, le gouvernement Charest n’a pas été en mesure d’obtenir la publication de l’entente. La ministre des Ressources naturelles de l’époque, Nathalie Normandeau, avait alors appelé les Québécois à lui faire confiance. «Hydro-Québec, qui a ma confiance, lorsqu’elle a négocié l’entente, elle l’a fait en ayant en tête l’intérêt public.»
Pétrolia a refusé par la suite à plusieurs reprises de la rendre publique. En 2012, lors de l’assemblée générale annuelle de l’entreprise, André Proulx avait catégoriquement refusé de dire ce qu'a obtenu Hydro-Québec en 2008 lorsqu'elle a cédé ses permis d’exploration à Pétrolia. «On n’a aucun intérêt à le faire. Si on le fait maintenant, ce sera négatif pour l'entreprise, avait-il répondu. Quand nous allons décider que c'est opportun pour les actionnaires et pour la population du Québec, ça va nous faire grand plaisir de le dévoiler.» M. Proulx avait eu droit aux applaudissements d’actionnaires présents après avoir de nouveau fermé la porte à la divulgation de cette entente qui concerne une ressource non renouvelable appartenant en théorie aux Québécois.
Depuis qu’il est au pouvoir, le gouvernement Marois a promis de rendre cette entente publique. La ministre des Ressources naturelles,
Martine Ouellet, a d’ailleurs dit avoir pris connaissance de cette entente.
La firme albertaine Sproule Associates Limited a établi à 30,9 milliards de barils la «meilleure estimation» du volume total de pétrole en place sur les permis où Pétrolia détient un intérêt sur l’île d'Anticosti. Au total, le sous-sol d’Anticosti pourrait receler au moins 40 milliards de barils de pétrole. Les entreprises qui contrôlent les permis doivent débourser 10 ¢ l’hectare chaque année pour conserver leurs droits d’exploration exclusifs.
En plus du pétrole, Pétrolia aimerait bien un jour exploiter le gaz naturel d’Anticosti pour le transporter — à l’aide d’un gazoduc qui reposerait sur le lit du Saint-Laurent — vers des villes comme Sept-Îles.
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