Rio + 20 - Le Sommet des peuples cible la mondialisation

Le Sommet des peuples de Rio, qui s’est tenu en parallèle du sommet onusien désormais qualifié par plusieurs d’« échec historique » ou de « Rio-20 », en est venu à la conclusion que le problème principal de la planète est ce capitalisme sauvage, qu’aucun groupe de pays ne parvient à réformer, et qui asservit les populations, pille les richesses naturelles et surexploite la planète sous le vocable justificateur de « mondialisation ».
C’est ce qu’ont expliqué hier à Montréal dans l’indifférence médiatique générale - deux médias seulement y ont assisté ! - divers représentants de la société civile canadienne et québécoise qui représentent ensemble des dizaines de groupes sociaux, de coopération internationale, communautaires et environnementaux.
Le Sommet des peuples pour la justice sociale et environnementale, contre la marchandisation de la vie et pour la défense des biens communs a réuni entre 50 000 et 100 000 personnes, selon les bilans. Contrairement au sommet onusien, qui a systématiquement évité de diagnostiquer les maux de la planète, le Sommet des peuples, indique Raphaël Canet, du groupe Uni Alter, a ciblé ces causes et proposé des centaines solutions concrètes inventées par des communautés créatives.
Mais toute cette réflexion sur « les causes structurelles des crises en cours et les fausses solutions » avancées par les politiciens rivés sur les intérêts privés a abouti dans cinq grandes plénières consacrées à cinq thèmes : la justice sociale et environnementale, la défense des biens communs contre la marchandisation, la souveraineté alimentaire, l’énergie et les mines, la nouvelle économie et les nouveaux paradigmes.
La priorité générale qui s’est imposée à tous, explique Patrick Bonin, de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), « c’est d’élargir la lutte contre l’inertie générale des gouvernements », dont le Canada est présenté comme le pire cas d’espèce, car non seulement il fait du surplace, mais avec une loi comme C-38, « il fait reculer tout un pays 20 ans en arrière ».
René Lachapelle, du Groupe d’économie solidaire du Québec, pilotait une délégation de 15 jeunes de 18 à 35 ans. Ils ont vite réalisé, dit-il, à quel point il était crucial de cerner les véritables causes des crises sociales, environnementales et politiques « en changeant le modèle de développement ». Partout dans le monde, mais à des degrés divers, les peuples sont dépossédés de leurs droits devant la force et l’impunité du marché mondialisé, ajoute-t-il. Cela engendre à peu près partout non seulement des dérives de la démocratie, mais aussi une véritable « fracture entre la société civile et ces chefs d’État qui prétendent faire avancer les sociétés » en laissant détruire les bases de leur pérennité.
Difficile de dénoncer le capitalisme
La première Assemblée des peuples du sommet parallèle a ainsi dénoncé le capitalisme, ce que n’osent pas aussi ouvertement faire les représentants québécois, car en Amérique, le faire équivaut à se marginaliser automatiquement même si on n’est ni communiste ni révolutionnaire, mais seulement conscient de ses effets pervers. Ils parlent donc plutôt de « mouvement antimondialisation » ou d’altermondialisme, un modèle, disent-ils, basé sur la démocratie participative, la gestion démocratique des milieux de vie, sur un développement compatible avec les besoins des populations et ajusté aux diversités locales et culturelles.
La libre entreprise, conviennent-ils, aura toujours sa place de même que certains grands moyens de production. Mais, à leur avis, la société civile internationale doit arriver à assujettir cette grande économie, souvent assimilée aux pouvoirs du fameux 1 %, aux besoins globaux, sociaux et environnementaux des pays.
En toile de fond, disent-ils, se dessine présentement une « volonté commune de reprise de contrôle par les citoyens des biens communs accaparés par les intérêts financiers et les grandes entreprises », comme la terre, le territoire et les ressources naturelles, voire les savoirs anciens, etc.
En priorité, explique Raphaël Canet, il faut protéger les domaines publics que sont l’éducation et la santé, les protections sociales, les biens communs comme les forêts et l’eau « contre le concept d’économie verte ».
Le Sommet des peuples a dénoncé ce concept mis de l’avant dans le sommet onusien. Pour le Sommet des peuples, selon les participants québécois, l’économie verte, « c’est une nouvelle façon de faire des profits en exploitant la nature et la vie, en les soumettant aux règles du marché, notamment, en s’appropriant les terres, en ouvrant de nouveaux champs spéculatifs, tels les marchés du carbone qui sert parfois à évincer des populations autochtones de leurs forêts ».
La troisième Assemblée des peuples a pour sa part réclamé de la communauté internationale la mise en place d’un Tribunal des peuples pour la justice climatique et environnementale. On propose d’assimiler les crimes contre l’environnement à des crimes contre l’humanité.
La clef de la mutation sociale mise en chantier au Sommet des peuples réside dans la « convergence » des efforts de tous les acteurs sociaux qui subissent de façon différente les impacts de l’action des mêmes acteurs économiques et politiques. Pour René Lachapelle, c’est la réunion des forces sociales de tous les horizons, communautaires, autochtones et environnementalistes autour de cibles et de solutions communes qui, seule, permettra l’émergence d’un nouveau modèle de développement et qui permettra de le transformer en enjeux « politiques ».