Rio+20 : feu vert à «l’économie verte»

Le sommet de Rio s’est terminé dans la désillusion et la déception du côté de la société civile internationale.
Photo: Agence France-Presse (photo) Christophe Simon Le sommet de Rio s’est terminé dans la désillusion et la déception du côté de la société civile internationale.

Plus d’une centaine de chefs d’État ont approuvé formellement hier la Déclaration du sommet Rio+20 qui avait été négociée par leurs hauts fonctionnaires avant leur arrivée mercredi au Brésil. Le document de 49 pages donne le feu vert au concept d’« économie verte dans un contexte de développement durable et d’éradication de la pauvreté », déclarait hier Achim Steiner, le grand patron du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), en conclusion de ce sommet qui a attiré plus de 50 000 personnes à Rio.

Mais si l’ONU insistait sur l’importance des « percées » faites durant ce sommet, du côté de la société civile internationale et canadienne, c’était la désillusion et la déception à peu près partout.


Pour le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, la Déclaration finale du sommet est « un très bon document, une vision sur laquelle nous pourrons bâtir nos rêves ».


Achim Steiner mentionnait parmi les principaux gains de ce sommet environnemental la mise au point en 2013 des « Objectifs de développement durable » (ODD) qui succéderont à compter de 2015 aux objectifs du Millénaire adoptés en 2000. Ces objectifs devront toutefois être « en nombre limité, concis et tournés vers l’action ».


Le grand patron du PNUE ajoutait à sa courte liste de gains majeurs la mise au point par les services onusiens d’un nouvel indicateur de progrès appelé à remplacer le PIB, lequel tiendrait compte de l’épuisement des ressources d’un pays et du passif environnemental généré par son industrie. De plus, ajoutait Achim Steiner, la mise au point de ce nouvel indicateur s’accompagnera de mesures pour améliorer la transparence et la reddition de comptes des entreprises, qui devraient à terme faire rapport de leur empreinte environnementale et sociale.


Mais comme l’avait fait la veille le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui avait déclaré avoir personnellement espéré davantage de ce deuxième sommet de Rio - vingt ans après celui qui avait mis la protection de l’environnement sur la liste des priorités politiques internationales -, Achim Steiner a reconnu que « le résultat de Rio va en désappointer et en frustrer plusieurs, compte tenu de la science » qui trace un portrait de la planète beaucoup plus alarmant.


Même la très sérieuse et diplomate Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), à qui l’ONU confie le soin d’établir la liste rouge des espèces menacées, faisait savoir par communiqué que « nous avions espéré des résultats beaucoup plus ambitieux ». La Déclaration de Rio+20, disait-elle, constitue beaucoup plus une liste des « aspirations » de tous qu’une feuille de route balisée d’objectifs et d’échéanciers d’application stricte sur les dossiers les plus urgents, comme la sécurité alimentaire, l’eau et l’énergie. L’UICN est particulièrement inquiète de l’absence de consensus pour négocier un traité sur l’exploitation des océans au-delà des zones maritimes nationales. « Le statu quo n’est plus acceptable dans ce domaine », concluait de son côté Kristina Gjerde, conseillère de l’UICN en matière d’océans.


Kumi Naido, le directeur général de Greenpeace international, a mieux que tous résumé le sentiment général : « On remet en ordre les fauteuils sur le pont du Titanic pendant qu’il est en train de sombrer », a-t-il dit.

 

Un Canada controversé


Le ministre canadien de l’Environnement, Peter Kent, traduisait bien hier le point de vue de ces pays dont les orientations économiques classiques ont été discutées et renforcées lundi dernier au Mexique.


Devant l’assemblée de l’ONU, tout comme devait le faire Hillary Clinton au nom des États-Unis, Peter Kent a déclaré : « Le Canada est satisfait des résultats positifs de Rio+20 et nous sommes prêts à jouer notre rôle. Le résultat est évident : il n’y a aucune solution universelle pour promouvoir la durabilité à l’échelle mondiale. Seules des actions concertées pourront nous aider à atteindre nos objectifs communs ». En conférence de presse, retransmise par téléphone, le ministre Kent devait affirmer que si le Canada avait été systématiquement dénoncé par les groupes canadiens et internationaux pour son rôle d’« obstruction » dans les pourparlers, c’était parce que ces groupes écologistes l’avaient noirci à dessein, voire sur la foi de fausses informations.


La réplique lui a vite été servie au Canada par le président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), André Bélisle : « C’est plutôt Peter Kent qui a menti l’an dernier à l’ONU en déclarant à Durban le 8 décembre que le Canada n’avait pas pris la décision de se retirer de Kyoto, alors que la décision du cabinet fédéral avait été formellement prise deux jours plus tôt. »


Pour Scott McKay, député du Parti québécois présent à Rio comme membre de la délégation québécoise, « à Rio, le Canada a continué de nous faire honte. La participation canadienne a contribué à faire échouer des initiatives cruciales, comme la fin des subventions aux pétrolières et celles qui assureraient le financement de la transition vers une économie verte pour les pays en voie de développement ».


Pour Sidney Ribaud, coordonnateur du groupe Équiterre, « Force est de constater qu’il s’agit d’une occasion ratée ». Il retient toutefois l’« avancée » que constitue à son avis la détermination d’objectifs de développement durable. De son côté, Patrick Bonin de l’AQLPA estimait que « nous avons eu droit à Rio à une intense séance de greenwashing où, pendant trois jours, les chefs d’État sont venus se vanter alors qu’ils ont lamentablement failli à la tâche. La société civile n’approuve pas, n’endosse pas cette entente et ne se sent pas représentée ».


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Avec l’Agence France-Presse

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