Rio+20 - Le Canada s’attire la réprobation générale

Quant au premier ministre Jean Charest, qui revenait de Rio hier, ses contacts en marge de la conférence l’ont convaincu, disait-il, que « les choix du Québec qui sont faits aujourd’hui lui permettront de se hisser parmi les sociétés les plus progressistes au monde en matière de développement durable ».
Photo: - Le Devoir Quant au premier ministre Jean Charest, qui revenait de Rio hier, ses contacts en marge de la conférence l’ont convaincu, disait-il, que « les choix du Québec qui sont faits aujourd’hui lui permettront de se hisser parmi les sociétés les plus progressistes au monde en matière de développement durable ».

Le Canada s’est attiré hier la réprobation générale pour son rôle dans l’affaiblissement de la Déclaration de clôture de la conférence internationale Rio+20. Quant au Plan Nord du gouvernement Charest, lui aussi est écorché au passage.

C’est au cours d’un point de presse au Sommet des peuples pour la justice sociale et environnementale que des représentants d’organismes québécois — syndicats, jeunes, écologistes, autochtones et étudiants — ont réagi à ce qu’ils ont appelé l’« inertie des gouvernements, dont le Canada », et aux propos de Jean Charest à Rio sur le Plan Nord.


Quant au premier ministre Jean Charest, qui revenait de Rio hier, ses contacts en marge de la conférence l’ont convaincu, disait-il, que « les choix du Québec qui sont faits aujourd’hui lui permettront de se hisser parmi les sociétés les plus progressistes au monde en matière de développement durable ».


« Le Plan Nord devrait être plutôt une occasion de développer le nord québécois en fonction des besoins des Premières Nations, des Inuits et de l’ensemble des Québécois. C’est une occasion en or de solidariser tout le Québec en fonction du développement durable de notre bien commun », déclarait à Rio Louis Roy, président de la CSN.


« Nous demandons au gouvernement Charest de tenir une véritable consultation sur le Plan Nord et que cette dernière se fasse dans le respect des communautés locales », ajoutait de son côté Patrick Rondeau, conseiller régional de la FTQ. Et pour Andrée-Anne Vézina, coordonnatrice de l’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador, « le Plan Nord aura un impact majeur sur les droits des communautés autochtones. Pourtant le processus de consultation est désuet et incomplet. Plusieurs Premières Nations ont été mises de côté alors que leur consentement est un incontournable ».


Le discours était fort semblable dans d’autres régions du pays, mais cette fois à l’endroit des projets de développement des sables bitumineux et des trois grands pipelines projetés par l’industrie et le gouvernement Harper.


Pour Crystal Lemenan, membre du Beaver Lake Cree Nation, « les droits des premières nations sont protégés à la fois par la constitution canadienne et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cela devrait nous assurer le droit de pouvoir chasser sur notre territoire, de pêcher, mais aussi le droit à de l’eau et de l’air purs. Le Canada a saccagé ces droits avec le développement de l’exploitation controversée des sables bitumineux sur notre territoire, empoisonnant notre eau, notre air et notre Terre ».

 

Un frein aux négociations


Mais si l’adoption récente de la loi C-38 est aussi présentée à Rio comme le stade ultime de la turpitude environnementale du Canada, c’est son attitude dans les pourparlers de Rio+20 qui lui vaut les critiques les plus acerbes.


« Encore une fois, le gouvernement Harper a saboté les négociations internationales en environnement et menace les générations futures. Grâce à M. Harper, le Canada a maintenant une réputation de criminel environnemental », déclarait à Rio Patrick Bonin, directeur climat-énergie de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA).


Steven Guilbeault, du groupe Équiterre, n’arrive pas encore à comprendre comment le Canada, qui est bordé par trois océans et qui se fait piller ses espèces commerciales de poissons aux limites de sa zone côtière, en est venu à s’opposer au lancement de négociations internationales en vue d’un traité sur l’exploitation des eaux internationales, où rien n’empêche le pillage des fonds marins. « C’est à n’y rien comprendre, dit-il. Ottawa défend qui ? À la limite, je peux comprendre son opposition à la disparition des subventions aux pétrolières. Mais le voir empêcher de mettre fin au pillage des fonds marins, c’est d’une incohérence totale. » L’opposition du Canada à un tel traité a bloqué une entente qui protégerait 64 % des océans et 45 % des plantes de la planète en bloquant, avec quatre autres pays, le voeu de plus de 185 pays d’aller dans cette direction, soulignait de son côté Susanna Fuller, du groupe High Seas Alliance.


Ces griefs à l’endroit du Canada expliquent pourquoi Sir Richard Branson, le dirigeant de la société Virgin, déclarait hier à Rio que le Canada « était désormais méconnaissable », eu égard à son rôle au même endroit en 1992.


Il a ainsi bloqué un autre voeu général à Rio, avec quelques pays comme les États-Unis, le Japon et la Russie, pour établir un calendrier d’élimination des subventions aux pétrolières, à qui il verse annuellement 1,3 milliard. Le ministre fédéral de l’Environnement, Peter Kent, a été incapable d’expliquer pourquoi le Canada voulait que la communauté internationale se contente d’« envisager » une telle élimination dans la Déclaration finale plutôt que de l’amorcer. Le Canada était pourtant solidaire de la déclaration du G20 de 2009, à Pittsburgh, où les leaders des pays riches s’étaient entendus pour éliminer ces subventions à une industrie plusieurs fois milliardaire.


Le Canada a aussi oeuvré au rejet de la proposition de la France visant à créer une véritable Organisation mondiale de l’environnement (OME), qui aurait été un pendant musclé à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ainsi qu’à l’autre proposition française d’instituer une taxe de 0,01 % sur les transactions financières pour financer le passage à une économie verte, là encore un concept qu’il a combattu.


Le Canada s’est aussi opposé avant le début de la conférence au voeu des pays du G77 — pays en développement — qui réclamaient 30 milliards par année d’ici 2017 et 100 milliards à compter de cette date pour les aider à ne pas suivre la trace des Occidentaux et passer directement à des stratégies de développement durable. « Pourtant ces montants sont dérisoires par rapport aux centaines de millions qu’il verse chaque année aux pétrolières ou aux montants dégagés en fonds publics pour sauver les banques », commentait Patrick Bonin.


Le Canada, ajoutait le porte-parole de l’AQLPA, a aussi tout fait pour faire retirer toute référence au principe de la « responsabilité commune mais différenciée » qui impose aux grands émetteurs de gaz à effet de serre d’en faire plus que les pays en développement. Le Canada a aussi fait des vagues en refusant la présence d’un jeune dans la délégation canadienne, comme le veut une longue tradition, ce que le ministre Kent et son entourage ne sont pas encore parvenus à expliquer.

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