Certifications écologiques: à quand une véritable campagne d'information?

Pierre Vallée Collaboration spéciale

	La Maison du développement durable a été érigée selon plusieurs normes ISO.
Photo: - Le Devoir
La Maison du développement durable a été érigée selon plusieurs normes ISO.

Ce texte fait partie du cahier spécial Jour de la Terre

Le consommateur québécois voudrait bien consommer vert. Mais, pour ce faire, il doit être en mesure de reconnaître clairement quel produit est vert et quel autre ne l'est pas. Et le nombre élevé d'étiquettes écologiques en circulation ne l'aide pas à se faire une idée juste.

«Notre dernière étude sur les étiquettes écologiques démontre clairement que la moitié des consommateurs québécois estiment qu'il n'y a pas assez d'information sur les certifications vertes, souligne Fabien Durif, professeur à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM et directeur de l'Observatoire de la consommation responsable. C'est la raison pour laquelle seulement 15,6 % d'entre eux utilisent les certifications vertes comme source de renseignement sur les produits.»

Quelques notions de base


Il faut en premier faire la distinction entre les normes, les certifications et les étiquettes écologiques. «Les normes sont élaborées par des organismes publics, comme ici, au Québec, par le Bureau de normalisation du Québec, ou par des organismes internationaux comme ISO. Ce sont ces organismes qui établissent les normes et les cahiers des charges auxquels les entreprises adhèrent ou non. Mais ces normes ne mènent pas toutes à des certifications, et l'entreprise peut choisir de s'y conformer sans pourtant l'afficher sur son produit.»

Les certifications mobilisent une tierce partie qui vérifie si l'entreprise se conforme au cahier des charges et, le cas échéant, émet une certification qu'affichera alors l'entreprise. On pense ici à la certification LEED en matière de construction. «La crédibilité de la certification est alors liée à la crédibilité de la tierce partie.»

Les étiquettes écologiques sont des programmes d'étiquetage créés par des organisations non gouvernementales ou privées qui permettent à l'entreprise ou au fabricant d'accoler sur son produit un logo attestant sa performance écologique. Le logo pourra aussi mentionner la certification, si tel est le cas.

Trois types d'étiquette écologique

Et, pour ajouter à la confusion, il existe trois types d'étiquette écologique. Le premier type est une étiquette basée sur une analyse faite par une tierce partie attestant que le produit est conforme aux exigences et aux critères de performance établis pour la certification. Des programmes comme Energy Star ou le programme canadien Ecologo entrent dans cette catégorie.

Le deuxième type d'étiquette pose davantage d'incertitude, car il s'agit d'une autoproclamation écologique sans certification et sans vérification de la part d'une tierce partie. «Ce sont souvent des étiquettes écologiques émises par le fabricant ou parfois même par le détaillant. Il n'y a aucun moyen pour le consommateur de vérifier si c'est vrai. Entrent aussi dans cette catégorie les étiquettes déclarant que tel produit est biodégradable ou que tel savon ne contient pas de phosphates, même si aucun savon aujourd'hui ne contient des phosphates.»

Le troisième type d'étiquette se nomme EPD (Environmental Product Declaration) et il est fondé sur la norme ISO 14 040. La certification fait appel à une tierce partie. «C'est la seule étiquette écologique qui tient entièrement compte du cycle de vie du produit et qui est basée sur une démarche scientifique rigoureuse. Mais l'obtention de cette étiquette coûte cher, ce qui explique que peu d'entreprises aujourd'hui y ont recours.»

La situation actuelle

Selon Fabien Durif, la situation actuelle en matière d'étiquettes écologiques au Québec est arrivée à un point tournant. «Nous sommes présentement dans une période de transition. Les étiquettes écologiques se multiplient, ce qui a pour effet de confondre davantage les consommateurs. Le but de l'étiquette écologique est de signaler au consommateur que le produit est vert et ainsi de le rassurer dans son choix. Mais la prolifération d'étiquettes écologiques sème la confusion et accomplit l'effet contraire.»

Si la situation actuelle confond le consommateur, elle affecte aussi les marques. «Notre étude a démontré clairement que le consommateur veut plus d'informations écologiques sur le produit. Les marques ne peuvent plus se servir des étiquettes écologiques pour faire du marketing ou la promotion de produit si, en contrepartie, elles ne sont pas capables de fournir cette information.» Et, pour en rajouter, il faut aussi tenir compte de l'écart vert du consommateur. «L'écart vert décrit la différence entre ce que le consommateur a l'intention de faire en matière de consommation verte et ce qu'il fait réellement en magasin au moment de l'achat.»

Les solutions possibles

Plusieurs solutions sont à portée de la main pour lever la confusion. «D'une part, des étiquettes écologiques fiables, comme Ecologo, ne sont pas assez connues des consommateurs. Il faudrait une campagne de sensibilisation afin de faire connaître Ecologo.» Ainsi, le consommateur, en voyant cette étiquette écologique, non seulement la reconnaîtrait mais saurait aussi qu'il peut s'y fier. D'autre part, un ménage pourrait être fait quant au nombre d'étiquettes écologiques en circulation sur le marché. «C'est le cas de la Grande-Bretagne, qui a choisi de limiter le nombre d'étiquettes écologiques sur son territoire.»

Mais, selon Fabien Durif, on ne parviendra pas à clarifier les étiquettes écologiques sans passer par une réglementation. «Il faut un encadrement obligatoire pour les étiquettes écologiques. Un encadrement qui non seulement limite leur nombre, mais qui fixe aussi de façon précise les preuves scientifiques que le fabricant doit fournir s'il veut apposer une étiquette écologique sur son produit. Cela passe par une modification de la Loi sur l'étiquetage. Tout comme aujourd'hui, le fabricant d'un produit alimentaire doit clairement indiquer sur l'étiquette les ingrédients que le produit contient, de même l'étiquette écologique devrait fournir les détails scientifiques sur lesquels elle repose. On pourrait aller jusqu'à indiquer l'empreinte de carbone du produit, compte tenu du cycle de vie de ce dernier.»

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Collaborateur du Devoir

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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