Québec met la table pour une participation à la bourse du carbone

Seulement deux jours après le retrait du Canada du protocole de Kyoto, Québec a adopté les conditions nécessaires à la mise en place d’une bourse du carbone, au grand dam du monde des affaires.
Le ministre de l’Environnement, Pierre Arcand, a annoncé aujourd'hui l’imposition d’un plafond de pollution aux grandes industries à partir du 1er janvier 2013. Dès l’entrée en vigueur de ce plafond, les entreprises plus vertes pourront vendre des crédits d’émission de gaz à effet de serre aux entreprises plus polluantes.En 2013, le plafond devrait affecter 75 grandes entreprises, surtout des alumineries, des cimenteries et des minières, en plus d’Hydro-Québec. Elles émettent chacune 25 000 tonnes de GES ou plus par année.
Le prix de base pour les crédits a été fixé à 10 $ par tonne de GES.
Si tout se passe comme prévu, les industries les plus respectueuses de l’environnement pourront ainsi financer des achats de technologies écologiques et l’ensemble des industries seront poussées à améliorer leur efficacité énergétique, a expliqué Pierre Arcand
Efficacité
«Ce système de plafonnement et d’échange des droits d’émission est reconnu comme étant l’un des outils économiques les plus efficaces et les moins coûteux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre», a plaidé le ministre.
Le plafond sera abaissé d’année en année, au moins jusqu’en 2020. Dès 2015, les distributeurs de carburants devront aussi se soumettre au plafond d’émissions.
Pour l’instant, la Californie est le seul autre État nord-américain dans les blocs de départ pour créer un tel système de plafonnement et d’échange.
Le milieu des affaires est inquiet
Si le ministre Arcand affirme que d’autres gouvernements pourraient rapidement se joindre à l’initiative, la situation inquiète tout de même le milieu des affaires, qui évalue que les entreprises québécoises seront désavantagées par cette nouvelle charge financière.
«Le secteur industriel du Québec, déjà malmené par la compétition internationale féroce, se trouvera donc désavantagé par rapport aux entreprises des autres provinces canadiennes et des États américains, qui ne seront pas assujetties aux mêmes exigences», explique le Conseil patronal de l’environnement, par voie de communiqué.
Même si la Californie — qui compte autant d’habitants que le Canada en entier — est au rendez-vous, il ne s’agit pas d’un partenaire commercial significatif du Québec, estime le Conseil patronal de l’environnement.
La firme Ernst & Young, pour sa part, décrie la rapidité d’implantation du système, un court délai qui laissera «peu de temps aux entreprises» pour s’adapter.
Mais le ministre Arcand reste convaincu de l’opportunité de son système.
«Il faut voir qu’on risque (...) d’aller inévitablement vers un marché mondial du carbone qui va être vraiment incontournable dans les prochaines années», a-t-il affirmé.
Le gouvernement a aussi prévu un mécanisme pour récompenser les entreprises qui ont amélioré leur bilan environnemental depuis 2008.
De passage à Montréal pour l’annonce, le ministre a fait valoir que ce mécanisme constituait la meilleure solution pour s’approcher des objectifs de Kyoto. Québec compte, d’ici 2020, diminuer ses émissions de GES de 20 % par rapport au niveau de 1990.
«Nous devons nous donner les moyens de nos ambitions», a affirmé M. Arcand.
Les groupes environnementaux enchantés
L’annonce d"aujourd'hui s’est d’ailleurs attiré les éloges de groupes environnementaux, qui soulignent l’efficacité d’un système de plafonnement et d’échange pour faire plier les grands pollueurs.
«C’est une très bonne nouvelle, surtout dans un contexte canadien où le gouvernement fédéral a décidé de laisser tomber la lutte aux changements climatiques», s’est réjoui Patrick Bonin, porte-parole de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique.
«On avait besoin de ce genre d’annonce de la part du gouvernement du Québec et de volonté d’aller de l’avant», a-t-il ajouté.
Le ministre Arcand a dit espérer qu’une place boursière consacrée aux crédits d’émission s’installe à Montréal. Les entreprises québécoises devraient pouvoir commencer à transiger avec celles de la Californie dans les prochaines années, après la conclusion d’une entente à cet effet.
«Regrettable» retrait canadien de Kyoto
Pierre Arcand a profité de son annonce pour tancer le gouvernement fédéral quant à son retrait «tout à fait regrettable» du protocole de Kyoto, annoncé plus tôt cette semaine. Ottawa doit comprendre qu’il ne peut se bander les yeux et ignorer l’enjeu des GES.
«Je pense que le Canada se soit absolument de démontrer un meilleur leadership, se doit d’être plus ambitieux, a-t-il fait valoir. Je trouve ça tout à fait inacceptable que la position canadienne soit toujours calquée sur la position américaine.»
Le retrait canadien de Kyoto ne changera toutefois rien aux objectifs que le gouvernement du Québec s’est fixés au chapitre des GES, a assuré M. Arcand.