Gaspé - Pétrolia acquiert un terrain en vue de stocker du pétrole brut

Il semble désormais acquis qu'il y aura bel et bien de l'exploitation pétrolière commerciale en Gaspésie. Déterminée à extraire «dans les meilleurs délais» l'or noir contenu dans le sous-sol de son gisement Haldimand, l'entreprise Pétrolia vient en effet d'acquérir un terrain qui lui permettra d'entreposer du pétrole brut sur les rives de la baie de Gaspé. Un partenaire français de la pétrolière a aussi mandaté deux lobbyistes pour effectuer des démarches auprès de différents ministères en vue d'obtenir un permis d'exploitation, selon ce qu'a constaté Le Devoir.
La vice-présidente aux affaires corporatives de Pétrolia, Isabelle Proulx, a d'ailleurs indiqué hier que le terrain de 15 000 mètres carrés, situé dans le parc industriel de Gaspé, a été acquis en vue d'y installer des réservoirs pour stocker les hydrocarbures avant leur transport vers une raffinerie. Le pétrole serait acheminé par pipeline des puits aux réservoirs, avant d'être transporté par route, par train ou par bateau. «Cette acquisition témoigne de la volonté de Pétrolia de mettre en production ce gisement dans les meilleurs délais», a aussi souligné l'entreprise par voie de communiqué.Il s'agit en effet d'un élément essentiel pour la mise en exploitation du gisement Haldimand, situé à moins de trois kilomètres dudit terrain. Un gisement qui pourrait rapporter plusieurs millions de dollars aux actionnaires des entreprises impliquées dans le projet. Selon les plus récentes évaluations, il y aurait au moins 7,7 millions de barils de pétrole récupérables. Au prix actuel du marché, soit environ 100 $, la ressource a une valeur brute de 770 millions. Mais ce chiffre devra vraisemblablement être revu à la hausse au cours des prochaines années, à la faveur de la croissance prévue des prix de l'or noir.
Autre élément indiquant qu'une exploitation commerciale se précise, Québénergie — une filiale d'une société française partenaire de Pétrolia dans le projet Haldimand — a inscrit la semaine dernière deux lobbyistes au registre québécois. Ceux-ci doivent effectuer des démarches afin d'«obtenir les autorisations administratives et réglementaires» en vue d'obtenir «un bail d'exploitation d'hydrocarbures dans la région de Gaspé (champ Haldimand)». Leur mandat vise notamment le ministère des Ressources naturelles et de la Faune, celui du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, le cabinet du premier ministre Jean Charest et le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.
Selon le partenariat annoncé en décembre dernier entre Pétrolia et Québénergie, cette dernière doit agir à titre d'opérateur du projet Haldimand lors de la phase de mise en production commerciale. Québénergie est une filiale à 100 % de SCDM Investcan (filiale à 100 % de SCDM Énergie), une société française privée et basée à Paris. SCDM Énergie détient indirectement d'importantes participations dans plusieurs permis d'exploration à Terre-Neuve-et-Labrador et exploite un champ de gaz naturel en Côte d'Ivoire via sa filiale Foxtrot International.
Quant à Pétrolia, le Registre des entreprises du Québec précisait hier que son premier actionnaire est Pilatus Energy, une société qui a pignon sur rue en Suisse et dont le président réside aux Émirats arabes unis. L'entreprise basée à Rimouski a un total de neuf lobbyistes inscrits au Registre des lobbyistes du Québec. Deux de ceux-ci sont d'anciens employés d'Hydro-Québec Pétrole et gaz. L'une de ces deux personnes a également travaillé pendant vingt ans pour la Société québécoise d'initiatives pétrolières.
Inquiétudes
Au-delà de la question de la propriété des entreprises impliquées dans l'exploration pétrolière à Gaspé, c'est surtout l'exploitation d'énergie fossile qui suscite de plus en plus de débats dans la région. Selon ce qu'a confié hier au Devoir une source bien au fait du dossier, plusieurs citoyens craignent que Pétrolia procède à des opérations de fracturation hydraulique. Le conseil municipal de Gaspé s'est d'ailleurs prononcé contre le recours à cette méthode d'exploitation jamais tentée au Québec et dont on ignore les impacts environnementaux. Les élus municipaux estiment justement qu'ils en savent trop peu pour autoriser la pétrolière à aller de l'avant.
Cette résolution se voulait une réaction au dépôt, par Pétrolia, d'un avis de projet au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, signalant qu'elle pourrait recourir à de la fracturation pour stimuler un de ses deux puits de Gaspé. La décision des élus n'a cependant aucun poids légal, puisque Pétrolia mène ses activités en vertu de la Loi sur les mines.
Dans le cas d'autres types de forages plus traditionnels, les pétrolières utilisent depuis des années un mélange contenant de l'acide chlorhydrique pour stimuler leurs puits. Pour chacun, on peut injecter des dizaines de milliers de litres de ce mélange. Dans ce cas, ils n'ont aucune autorisation à demander au ministère de l'Environnement, malgré la toxicité des substances utilisées.
Toujours selon une source qui a requis l'anonymat, des citoyens redoutent également une éventuelle exploitation pétrolière dans la baie de Gaspé, qui borde le parc national Forillon, le principal attrait touristique de la région et un écosystème aussi complexe que fragile. Pétrolia possède en effet des permis d'exploration qui couvrent toute la baie. Un moratoire est toutefois actuellement en vigueur en zone maritime et la pétrolière n'a pas fait part, pour le moment, de projets d'exploration dans la baie.
Des gens d'affaires se sont par ailleurs mobilisés pour appuyer l'exploitation pétrolière dans la région de Gaspé. Selon eux, les retombées économiques qu'engendrerait la production commerciale d'énergie fossile seraient vitales pour Gaspé. L'un de ceux-ci, cité récemment par le journal Le Soleil, est inscrit comme lobbyiste pour Pétrolia au registre provincial.