Terre-Neuve contredit Normandeau
Québec — Terre-Neuve-et-Labrador contredit les prétentions de la ministre québécoise des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, concernant les impacts d'un nouveau cadre fédéral en matière d'énergie.
Le ministre terre-neuvien des Ressources naturelles, Shawn Skinner, a affirmé que cette nouvelle approche n'empêcherait pas Ottawa de soutenir financièrement un important projet hydroélectrique dans la province atlantique.Le premier ministre Stephen Harper a promis une garantie de prêt de 4,2 milliards, notamment pour la construction d'une ligne de transmission hydroélectrique à Terre-Neuve, une décision à laquelle Québec s'oppose, estimant qu'Ottawa favoriserait une concurrence déloyale envers Hydro-Québec.
Pour expliquer la récente adhésion du Québec à un nouveau cadre fédéral en matière d'énergie, Mme Normandeau a soutenu qu'elle avait obtenu des modifications afin que l'entente reconnaisse l'importance des règles du marché, ce qui empêcherait Ottawa d'offrir son financement au projet de Terre-Neuve sur le Bas-Churchill.
Mais lors d'une entrevue à La Presse canadienne, vendredi, M. Skinner s'est étonné de cette interprétation de la ministre québécoise. Selon lui, il n'y a aucune raison qui empêcherait Ottawa de financer un projet, «incluant celui sur le Bas-Churchill ou tout autre».
M. Skinner a rappelé qu'à la suite de l'adhésion des provinces au nouveau cadre, cette semaine lors d'une rencontre en Alberta, le ministre fédéral des Ressources naturelles, Joe Oliver, a répété l'engagement d'Ottawa envers Terre-Neuve.
«De notre point de vue, notre projet a des impacts positifs sur les plans régional et national et le gouvernement fédéral est d'accord avec ça, a dit M. Skinner. Il réduit les émissions de gaz à effet de serre et il s'agit d'un projet financièrement solide, les chiffres sont là pour le prouver. Ottawa, selon ce que je comprends, a l'intention de l'appuyer.»
La semaine dernière, après la rencontre fédérale-provinciale, Mme Normandeau avait soutenu qu'Ottawa enfreindrait les principes du nouveau cadre fédéral en aidant Terre-Neuve. «On est opposés à un financement d'infrastructures qui viendrait biaiser les règles du marché, avait-elle dit. Je vois difficilement comment, après avoir fait adopter l'approche canadienne en énergie, le gouvernement pourrait accepter d'accorder un financement à Terre-Neuve.»
Le Québec soutient que Terre-Neuve bénéficierait d'un avantage concurrentiel déloyal grâce à la garantie de prêt, alors que les lignes de transport d'Hydro-Québec n'ont reçu aucune aide fédérale.
Décision finale à venir
Tout en reconnaissant que ce soutien financier réduirait les coûts d'emprunt et donc le coût de production, M. Skinner a affirmé que ce sont les marchés d'exportation qui fixeront le prix d'achat. Le ministre a souligné que pour le moment, le prix offert est plus bas que ce qu'il en coûte pour produire un kilowatt-heure sur le Bas-Churchill. La garantie de prêt permettrait de soutenir la construction d'un barrage et de lignes de transport entre le Labrador, Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. Terre-Neuve prévoit exporter au maximum 40 % de sa production.
Selon M. Skinner, Ottawa examine actuellement le dossier du Bas-Churchill avant de rendre une décision finale sur la garantie de prêt, ce qu'il prévoit faire d'ici quelques mois.
Avant d'aller rejoindre ses collègues, lundi, Mme Normandeau avait accusé Ottawa de chercher à dicter ses choix, notamment pour le Bas-Churchill, par l'intermédiaire de l'instauration d'un cadre, puis d'une stratégie qui suivrait.
Après avoir consenti à adhérer au cadre, moyennant des modifications, Mme Normandeau est demeurée sur ses gardes, craignant qu'Ottawa n'aille plus loin avec une stratégie pancanadienne qui pourrait nuire aux intérêts du Québec.
L'ancien ministre québécois des Affaires intergouvernementales canadiennes Benoît Pelletier a affirmé qu'une éventuelle stratégie pancanadienne pourrait être dangereuse.
Même si l'énergie n'est pas une compétence provinciale exclusive, la présence du fédéral a toujours été relativement limitée jusqu'ici, a souligné M. Pelletier lors d'une entrevue. «Lorsqu'on commence à glisser vers l'élaboration d'un plan national, d'une stratégie nationale, effectivement il y a un danger d'une intervention toujours plus nourrie de la part d'Ottawa, a-t-il dit. Et là, par rapport à ça, c'est sûr que les provinces doivent réagir, du moins celles qui revendiquent un plus grand respect encore de leur autonomie provinciale.»